"L’environnement suppose le consentement", NKM

18 août 2011 - La rédaction 
Année 2011, année de maturité du Grenelle de l‘environnement. Pour la ministre en charge de l’Écologie et du Développement Durable, l’enjeu est désormais de faire évoluer tout le monde – acteurs des filières agricoles, transformateurs mais aussi consommateurs – vers un nouveau modèle, économiquement viable. Celui-ci doit permettre aux agriculteurs de dégager un revenu suffisant et de valoriser la qualité environnementale.
Pour motiver les agriculteurs, NKM croit davantage aux effets de la conviction qu’aux mesures imposées.

CAMPAGNES ET ENVIRONNEMENT : Quel regard portez-vous sur l’évolution du volet agricole du Grenelle de l’environnement, alors même que le rapport des députés Stéphane Demilly et Philippe Tourtelier présenté le 30 mars à l’Assemblée nationale révèle un retard sur la majorité des engagements : agriculture biologique, HVE… ? Quelles sont, aujourd’hui, vos priorités en matière d’agriculture durable ?

Nathalie Kosciusko-Morizet : Je voudrais d’abord insister sur le fait que les objectifs du Grenelle ont tous été confirmés même s’il y a, bien sûr, des délais de mise en œuvre, selon les objectifs. L’année 2011 est bien l’année de la maturité du Grenelle, celle de sa mise en œuvre via les décrets, comme l’avait souhaité le président de la République.

 

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Crédit photo : Ministère de l'Ecologie.

Ce sera notamment le cas des décrets relatifs à la certification environnementale des exploitations. Le monde agricole est attaché à une forte concertation, ce qui me convient parfaitement. Avec mon collègue Bruno Le Maire, nous avons donc choisi d’explo­rer les différentes hypothèses pour rassembler tous les partenaires et atteindre le meilleur consensus possible sur le dossier.


Je suis convaincue qu’avec des développements comme ceux du plan Écophyto 2018, nous ferons la démonstration de la réussite de l’agriculture durable. Ce plan permet d’agir sur de nombreux domaines qui sont tous liés : la recherche, les fermes de démonstration, la mise au point d’indicateurs, le développement de techniques économiques viables et performantes sur le plan environnemental.
Enfin, en dehors des traductions réglementaires du Grenelle, l’une de mes priorités en matière agricole ira au dossier de la réforme de la PAC, qui suscite beaucoup d’attentes, et pas seulement dans le milieu agricole.

C&E : Pensez-vous que la France, par rapport à ses collègues européens, est en avance ou en retrait sur les questions d’agriculture et d’environnement ? Quels doivent être selon vous les éléments essentiels de la future politique agricole commune ?

N. K.-M. : Mes services et ceux du ministère de l’Agriculture ont passé en revue en 2010 un certain nombre de sujets réglementaires, pour évaluer justement la situation de la France par rapport à ses partenaires européens. Il en ressort que les différences de compétitivité ne sont que très marginalement liées aux règles établies en matière environnementale. Les plus exigeants ne sont pas toujours ceux que l’on imagine.


La France, qui a toujours visé des rendements très élevés en matière de céréales, obtient de très bons résultats économiques dans ce secteur. Mais ce sont des résultats qui peuvent avoir un coût environnemental lourd. Il faut garder en tête ces coûts environnementaux, car quelqu’un les paie : en général, le contribuable ou le consommateur, même lorsque les coûts ne sont pas apparents.


Lorsque l’on observe les grands indicateurs environnementaux européens, il n’y a pas de situation tranchée : la France peut être située dans la moyenne européenne, par exemple pour ce qui concerne la part des prairies permanentes dans la SAU.
Elle accuse encore en revanche un certain retard pour les surfaces en agriculture biologique, mais la progression de la conversion est forte en ce moment.


Comme vous le suggérez, l’échelon européen est décisif pour que nous puissions avancer sur les questions environnementales sans mettre en danger notre économie. Comme le premier pilier de la PAC est l’instrument privilégié en France, et qu’il est aussi le principal outil de la politique environnementale intégrée, le gouvernement a mis sur la table des propositions volontaristes pour verdir ce premier pilier. Nous défendons cette option auprès de nos par­te­naires européens avec la volonté de trouver une majorité très large sur ce sujet.

C&E : Quels sont, selon vous, les principaux freins à une plus grande prise en compte de l’environnement par le milieu agricole ? Comment les lever ?

N. K.-M. : Nous sommes devant le défi suivant : amener à un changement de comportement l’ensemble des acteurs : les agriculteurs, les coopératives, les transformateurs, la distribution, mais aussi les consommateurs. Nous constatons que l’ensemble des pratiques suivent­ un modèle technique et économique qui ne paraît guère durable. L’enjeu est donc de faire évoluer tout le monde vers un nouveau modèle, économiquement viable, qui permette aux agriculteurs de dégager un revenu suffisant et qui valorise la qualité environnementale. Tous les maillons des filières, des producteurs aux consommateurs, sont appelés à poursuivre le travail engagé en ce sens. La loi d’orientation Grenelle a posé les principes, il importe maintenant de les inscrire dans les habitudes de chacun.

C&E : Pensez-vous que l’on puisse davantage motiver les agriculteurs à mieux respecter l’environnement, et si oui, comment ? Ou penchez-vous vers plus de réglementation ?

N. K.-M. : Il y a, je crois, un vrai problème de « représentation », sur lequel nous devons travailler : les propriétaires de terres voient trop souvent la biodiversité comme une partie de leur propriété privée et non comme un bien public. Les agriculteurs, eux, peuvent encore appréhender l’environnement comme une contrainte qui pèse aux dépens de leur métier. C’est paradoxal, parce qu’ils travaillent tous les jours sur le vivant. Il nous faut arriver à démontrer que le patrimoine des propriétaires s’enrichit par la préservation des milieux naturels, et que les meilleures pratiques environnementales sont des leviers de résultat économique. On le fait avec les travaux « d’Écophyto R et D », par exemple. D’ailleurs, je crois davantage aux effets de la conviction qu’à des mesures imposées : l’environnement suppose le consentement, la réglementation devrait être mobilisée en dernière instance.

C&E : Le monde agricole est souvent caractérisé comme pollueur. Quel est votre avis sur la question ? L’agriculture doit-elle revaloriser son image ?

N. K.-M. : Plutôt que de l’image, si nous parlions du fond ? Les agriculteurs ne comprennent pas qu’avec les efforts d’adaptation qu’ils fournissent, et les résultats qui peuvent être obtenus, ils soient parfois montrés du doigt. Je souhaite quant à moi que nous trouvions ensemble, acteurs agricoles, associations environnementales, et pouvoirs publics, les bons instruments et les compromis qui font avancer. Les indicateurs de résultat, sur l’état des eaux ou l’état de la biodiversité ne sont pas fameux, il nous faut accentuer la mutation vers la durabilité.

 

Propos recueillis par Gaëlle Gaudin

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