Eau du robinet et pesticides, un encadrement ultra-sécuritaire

7 juin 2017 - Gaelle Gaudin 
Doit-on s’inquiéter d’une éventuelle présence de pesticides dans l’eau du robinet ? « Non, les pouvoirs publics mettent tout en œuvre pour garantir la sécurité sanitaire du consommateur », répond Pascale Panetier, responsable de l’Unité d’évaluation des risques liés à l’eau de l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

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Une directive européenne, transposée en droit national dans le Code de la santé publique et au sein d’arrêtés spécifiques, définit, pour l’eau potable, les valeurs réglementaires à ne pas dépasser pour une soixantaine de paramètres microbiologiques et physico-chimiques. « Ces valeurs sont fixées de manière à ce qu’il n’y ait aucun risque pour la santé du consommateur et ce, tout au long de sa vie », informe l’experte.

Une réglementation stricte et des contrôles réguliers

Pour les pesticides, les limites de qualité à ne pas dépasser sont de :

– 2 µg/l pour chaque pesticide(1) et de 5 µg/l pour le total des substances mesurées dans les ressources en eau (eaux de surface et eaux souterraines) ;

– 0,10 µg/l par pesticide (0,03 µg/l pour l’aldrine, la dieldrine, l’heptachlore et l’heptachlorépoxyde) et 0,50 µg/l pour le total des pesticides dans l’eau du robinet.

Un arrêté fixe le programme de prélèvements et d’analyses du contrôle sanitaire pour les eaux fournies par les réseaux de distribution publics. « Ces contrôles, pour les pesticides, sont réalisés au niveau de la ressource et en sortie d’usines de traitement, précise Pascale Panetier. La France possède par ailleurs un double niveau de contrôle : la surveillance exercée par l’exploitant de la production et/ou de la distribution et le contrôle sanitaire des eaux. Ce dernier, conduit par les Agences régionales de santé (ARS), fait intervenir des laboratoires indépendants, accrédités par le Comité français d’accréditation et agréés par le ministère chargé de la Santé après avis du Laboratoire d’hydrologie de l’Anses. Les bilans annuels et les résultats du contrôle sanitaire sont disponibles sur le site du ministère chargé de la Santé

Distinguer seuil d’alerte et risque sanitaire

« Les limites de qualité fixées pour les pesticides ne sont pas fondées sur une approche toxicologique et n’ont donc pas de signification sanitaire, reprend Pascale Panetier. La valeur réglementaire de 0,1 µg/l correspond au seuil moyen de détection des méthodes d’analyses disponibles au début des années 1970 pour les pesticides recherchés à l’époque. Elle a été fixée au titre de la protection de la ressource en eau. Cette valeur, à l’instar de la valeur de 0,5 µg/l fixée pour la somme des pesticides, est par ailleurs reprise dans la Directive 2006/118/CE modifiée, sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration. Une eau qui présente, pour un pesticide, une valeur supérieure à 0,1 µ g/l, est donc considérée comme non-conforme, mais ne présente pas forcément de risque pour la santé. »

La valeur de 0,1 width= µg/l constitue une sorte d’alerte. Lorsqu’elle est dépassée, il est possible de poursuivre la distribution de l’eau sans restriction, sous réserve que cela ne constitue pas un risque pour la santé du consommateur, le temps que les actions correctives soient mises en œuvre. L’objectif est que l’eau distribuée soit de nouveau conforme à la limite réglementaire dans les meilleurs délais. Ce cadre dérogatoire est prévu par la directive européenne 98/83/CE relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine et transposée en droit français. C’est dans ce cadre que l’Anses peut être saisie par le ministère en charge de la Santé afin d’établir une valeur sanitaire maximale (Vmax). La construction des Vmax a fait l’objet d’une méthodologie développée en 2007. Cette valeur sanitaire est construite à partir d’une dose journalière admissible (DJA) existante ou d’études toxicologiques disponibles dans la littérature au moment de l’expertise. Les gestionnaires de risque (ministère, ARS) comparent ensuite la Vmax aux analyses et prennent des mesures si nécessaire.

Cette Vmax est une valeur toxicologique à ne pas dépasser. Pour exemple, la Vmax de l’atrazine, dont les métabolites sont retrouvés dans l’eau malgré l’arrêt de son utilisation depuis 2003, est de 60 µg/l… soit 600 fois la limite de qualité de 0,1 µg/l. Et Pascale Panetier de préciser que la méthodologie citée ci-dessus propose également une démarche en cas de présence simultanée de plusieurs pesticides ou métabolites en se basant sur un effet additif.

Une protection vérifiée

« L’Anses a, en 2013, conduit une étude  dédiée à l’évaluation de l’exposition alimentaire de la population aux pesticides provenant de l’eau du robinet, souligne Pascale Panetier. Cette dernière, qui s’est appuyée sur plus de 5,7 millions d’analyses portant sur environ 80 000 prélèvements et concernant 501 résidus de pesticides, a démontré que nos modalités de fixation des Vmax sont réellement protectrices. La contribution moyenne de l’eau à l’exposition alimentaire totale aux pesticides est inférieure à 5 %. Aucun dépassement des valeurs toxicologiques de référence n’a été observé pour le risque à court terme. Concernant le risque à long terme, l’étude montre que la contribution de l’eau à la dose journalière admissible (DJA) est inférieure à 1 %, sauf pour deux substances et leurs métabolites : l’atrazine et le carbofuran aujourd’hui interdites. Pour ces substances, la contribution à la DJA est inférieure à 5 %. »

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