La confusion sexuelle, alternative aux insecticides plus efficace collectivement

26 juin 2018 - Eloi Pailloux 
Contrarier la reproduction des ravageurs, pour éviter leur prolifération, plutôt que de les tuer. La confusion sexuelle dans les vergers existe depuis les années 1990. Explications pratiques sur cette technique qui fait ses preuves.
pomme confusion sexuelle
Bruno Ferret : « Pour rester efficaces six mois,
les phéromones sont mélangées avec un co-formulant chimique.
Même s’il n’y a pas de contact direct, le port de gants est une précaution réglementaire. »

Depuis dix ans, Bruno Ferret utilise des capsules pour la confusion sexuelle des insectes dans ses vergers. L’arboriculteur, installé sur quinze hectares à Saint-Didier-sous-Riverie (69), protège notamment ses pommiers d’un ravageur particulièrement préjudiciable, le papillon carpocapse. Cette technique de biocontrôle est une alternative à la pulvérisation d’insecticides.

Applicable en bio, elle ne vise pas à tuer les insectes, mais à contrarier leur reproduction. Des diffuseurs de phéromones sont accrochés aux arbres : cette substance, similaire à celle que produisent les femelles carpocapses, perturbe les mâles, incapables de trouver leurs partenaires.

Le prix des pommes reste inchangé

En France, environ 50 % des producteurs de fruits à pépins, 25 % pour les fruits à noyaux, utilisent la confusion sexuelle. Des chiffres en augmentation. « Cette solution se déploie avant tout car elle est efficace, estime Bruno Ferret. Elle me permet de réduire de 80 % l’utilisation des pesticides sur les pommiers. » Et cela, sans réel surcoût, selon lui : main-d’œuvre comprise, la protection des vergers représente un niveau de charge équivalent entre le biocontrôle et les solutions chimiques : le prix de ses pommes n’a pas changé.

Une dynamique à impulser au niveau territorial

Particularité importante du dispositif : il est plus efficace si la zone ainsi protégée est plus grande. « Le nuage de phéromone est plus stable, vis-à-vis du vent notamment, s’il est plus vaste », explique David Claudel, responsable agronomie en arboriculture chez BASF, qui commercialise les diffuseurs. Ce qui implique un travail en cohérence à l’échelle territoriale. « Quand j’ai commencé, j’ai poussé mes voisins à faire le même choix », raconte Bruno Ferret. Pas si évident, quand il s’agit de changer totalement de méthode.

Bruno Ferret compte 1h30 à 2 heures pour la pose des diffuseurs sur un hectare, une fois par an.

Car, comme toute technique, la confusion sexuelle demande un certain savoir-faire : hauteur de pose des diffuseurs aux deux tiers des arbres, nombre plus important en périphérie des vergers, suivi despopulations de carpocapses pour choisir la bonne date de pose… Les fruits eux-mêmes sont à surveiller.

 

S’ils présentent des morsures, malgré les diffuseurs, alors que des vols de carpocapses sont encore prévus, un traitement chimique complémentaire peut être envisagé. « Pour la première année, l’aide du technicien de ma coopérative a été précieuse, précise Bruno Ferret. Ensuite, j’ai rapidement maîtrisé la technique. »

Faire connaître cette méthode au consommateur

A-t-il eu de mauvaises surprises ? « Ça a tout de suite fonctionné, affirme-t-il. Au moment de freiner sur les insecticides de synthèse, il a pu y avoir une recrudescence d’autres espèces d’insectes ravageurs, mais rien de véritablement problématique. » L’arboriculteur, qui commercialise l’essentiel de ses produits en direct dans son magasin, a alors pu expliquer aux clients les éventuels petits dégâts sur ses fruits, ce qui n’aurait pas été possible s’il les vendait aux grandes et moyennes surfaces.

Car la confusion sexuelle impose aussi sa part de communication… « Les clients sont de plus en plus curieux des modes de productions des fruits qu’ils achètent, confirme l’arboriculteur. À nous de leur expliquer comment nous nous approprions la réduction d’usage des pesticides. »

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