Souvent pointé du doigt pour son impact sur l’environnement, le secteur agricole peut également revendiquer des externalités positives. La sphère politique le reconnaît. Emmanuel Macron a confirmé, au démarrage de son mandat, qu’il destinait 200 M€ à l’agriculture, en rétribution des services rendus par ses écosystèmes.
Des services rendus aux bénéficiaires variés
Évaluer ce type de services reste une démarche complexe. L’Institut national de la recherche agronomique (Inra) s’est précisément penché sur la question, de 2014 à 2017, à travers un vaste travail bibliographique et analytique portant sur les documents scientifiques existants. Cette étude a permis d’investiguer quatorze types de services répertoriés en deux catégories selon leurs bénéficiaires : la société, ou l’agriculteur lui-même.
Par exemple, quand le producteur sème des légumineuses, cultures capables de stocker l’azote atmosphérique dans le sol, il rend un service à la culture qui suit, laquelle profitera de cet azote pour sa propre croissance, limitant d’autant la nécessité de fertilisation azotée. Le stockage de carbone dans le sol par l’ensemble des plantes cultivées, en revanche, profite à tous. Il compense en partie les émissions de gaz à effet de serre générant le changement climatique.
Tout n’est pas chiffrable en euros
Reste à chiffrer la valeur de ces services. Des simulations permettent d’évaluer les économies « générées » par l’écosystème agricole lorsqu’il contribue à l’approvisionnement des plantes en eau et en azote : près de 5 milliards d’euros par an en France pour le blé, un peu plus d’un milliard d’euros pour l’orge ou le maïs. L’exercice n’est toutefois pas applicable à tous les services. « Il est possible de mesurer la manière dont un écosystème purifie l’eau en jouant le rôle de filtre, illustre Jean-Michel Salles, du CNRS. Mais le lien entre ce chiffre et la qualité de l’eau n’est pas mathématique. À ce stade, on ne peut pas chiffrer ce phénomène en euros. »
Ne pas négliger la biodiversité « inutile »
« Nous ne sommes qu’au début de la démarche, conclut Philippe Mauguin, PDG de l’Inra. Il est nécessaire d’affiner ces évaluations, notamment pour les élevages, et de raisonner davantage par bouquets de services. » La conclusion de l’étude spécifie par ailleurs que le service écosystémique n’a pas pour vocation d’être l’unique outil de gestion des territoires agricoles : évaluer un milieu uniquement par les services qu’il rend pourrait en effet conduire à négliger des espèces « peu utiles » mais qu’il importe de préserver, notamment pour des raisons patrimoniales.