Elle s’est lancée seule, sans argent et avec une idée folle : concevoir un abattoir qui circule de ferme en ferme pour éviter aux bovins le stress du déplacement et de la mise à mort. En 2016, Emilie Jeannin éleveuse de charolais à Beurizot (Côte d’Or) fut “subjuguée” par le système suédois de remorques, véritable copié-collé d’abattoir miniature. On retrouve les étapes classiques : abattage, mise en carcasse, conservation réfrigérée, et stockage de la peau et des déchets.
Aujourd’hui, Emilie Jeannin est entourée d’une équipe organisée autour de Xavier Legrand, directeur général et d’investisseurs engagés en faveur du bien-être animal. Qu’ils soient agriculteurs, vétérinaires, ou financiers, tous ont apporté de quoi amorcer la construction du véhicule et le lancement de la marque Le Bœuf Ethique. Près de la moitié de l’investissement de 1,8 million d’euros est bouclé. Pour compléter, la SAS compte récolter 250 000 euros via une campagne de prêt participatif à un taux de 6% sur la plate-forme MiiMOSA.
Cinq bovins abattus par jour
Si tout se déroule comme prévu, le camion abattoir pourrait prendre la route au premier semestre 2021. Le projet est très ambitieux. D’abord en terme humain puisque cinq personnes sont nécessaires pour travailler dans les remorques en présence d’un vétérinaire comme l’exige la loi. “Au début, seulement cinq bovins seront abattus par jour. Evidemment, la cadence est très très faible par rapport aux autres structures, concède la jeune femme. Le surcoût sera incorporé dans le prix payé au consommateur”. Pour éviter que cette viande ne devienne un luxe, Emilie Jeannin a éliminé certains intermédiaires. Le Boeuf Ethique achètera directement les animaux à leur propriétaire. En revanche, les produits seront commercialisés en grande distribution et chez les bouchers.
Le caisson, une expérience alternative
Le risque est également financier, même si l’équipe assure que la rentabilité devrait être atteinte en deux ans : “Avant d’investir, j’ai challengé le business model. Il est conservateur, c’est-à-dire prudent, assure Marthin Frétigné directeur financier. Je l’avoue : il se peut que je perde de l’argent. Mais je me considère comme un “invest acteur.”
Hasard du calendrier, un collectif d’éleveurs de Loire-Atlantique et de Vendée (AALVie) pilote depuis juillet une campagne pour financer un système plus modeste, dit de caisson. L’objectif reste identique : abattre le bétail sur son lieu de vie. Mais après la saignée, l’animal est transporté en moins de deux heures dans une unité fixe. Seul hic, aucun abattoir n’est pour l’heure décidé à achever le travail. Du coup, le collectif compte investir dans des ateliers de découpe.
Enfin, quelle que soit l’innovation, rien ne garantit que la mort à domicile soit moins traumatisante. Pour lever le doute, Emilie Jeannin assure “avoir pris contact avec deux associations l’Afaad et l’Oaba, qui pourront se rendre compte sur place.” En revanche, pas question d’ouvrir les portes de l’abattoir mobile aux consommateurs.
Marie Nicot
* AFAAD : Association en faveur de l’abattage des animaux dans la dignité.
** OABA : Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs.
à propos de l’abattoir mobile, ce système est également déjà pratiqué en Allemagne
à propos de l’abattoir mobile, ce système est également déjà pratiqué en Allemagne