Protéger ses cultures avec des mécanismes tirés de la nature devient une réalité. Le biocontrôle est un principe fondé sur la gestion des équilibres des populations de bioagresseurs plutôt que sur leur éradication. Il utilise le recours aux interactions entre espèces ainsi qu’à des principes naturels pour contenir les dégâts des nuisibles dans les parcelles. On distingue quatre grandes familles de solutions : les médiateurs chimiques comme les phéromones, les micro-organismes à l’instar des champignons et des bactéries, les marco-organismes et les substances naturelles.
Encouragé par l’Europe et la France
Dans un contexte général d’agriculture durable, où l’un des enjeux est de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, le biocontrôle a de belles perspectives devant lui. Il s’est trouvé une place officielle dans le déploiement de la protection intégrée des cultures, devenue obligatoire depuis 2014 dans l’Union européenne. La directive communautaire 2009/128/CE prône « un usage des pesticides plus compatible avec le développement soutenable » et impose des plans d’action nationaux de réduction. Écophyto, destiné à réduire la dépendance de l’agriculture aux produits phytosanitaires, en est la traduction française. Par ailleurs, La France s’est engagée à encourager le biocontrôle dans la loi d’avenir pour l’agriculture promulguée en 2014.
Pourtant, des freins bloquent son essor. L’un des principaux relève des mécanismes d’autorisations de mise en marché, jugées trop longues, même si ces solutions bénéficient de procédures accélérées et à moindre coût que les produits phytosanitaires classiques.
Une réflexion globale
D’autres contraintes viennent de l’accompagnement du changement. L’enjeu n’est pas de se substituer aux pesticides, mais de venir en complément. Le biocontrôle s’intègre alors dans une réflexion globale impliquant les choix des variétés, les leviers agronomiques et la prophylaxie. Des formations sont donc nécessaires pour les conseillers agricoles : la commercialisation des spécialités de biocontrôle ne peut se réduire à la vente de produits, mais à celle d’un nouveau concept à appréhender…
Enfin la filière a également besoin de se structurer, pour porter une vision commune du biocontrôle et remonter les problématiques aux autorités. L’association française des producteurs de produits de biocontrôle (IBMA) et l’European biostimulants industry council (Ebic) y travaillent.
Les grandes familles du biocontrôle
- Médiateurs chimiques
Les médiateurs chimiques utilisés en agriculture comprennent les phéromones d’insectes et les kaïromones. Ils permettent le suivi des vols des insectes ravageurs, et le contrôle des populations d’insectes via confusion sexuelle ou le piégeage. Ce sont des méthodes strictement préventives : elles interrompent le cycle du ravageur avant son stade nuisible.
Statut : Soumis à AMM* via le processus d’homologation européen
- Micro-organismes
Les micro-organismes sont des champignons, bactéries ou virus utilisés pour protéger les cultures contre les ravageurs et les maladies telluriques ou aériennes, ou encore pour stimuler la vitalité des plantes et leurs capacités à se défendre.
Statut : Soumis à AMM* via le processus d’homologation européen
- Macro-organismes
Les macro-organismes auxiliaires sont des invertébrés, insectes, acariens ou nématodes, utilisés de façon raisonnée pour protéger les cultures contre les attaques de bioagresseurs.
Statut : Régime national d’autorisation
- Substances naturelles
Les substances naturelles sont composées de substances issues du milieu naturel et peuvent être d’origine végétale, animale ou minérale. Elles peuvent être paralysantes ou répulsives (pour les ravageurs). Elles inhibent la germination des spores ou empêchent le développement des champignons.
Statut : Soumis à AMM* via le processus d’homologation européen
* AMM : Autorisation de mise sur le marché
Les adhérents d’Agrosud (34) séduits
Opter pour des solutions complémentaire aux pesticides, au sein de l’union d’appro Agrosud, ce n’est pas nouveau… Depuis cinq ans, la structure d’expérimentation du réseau, Agrosud Développement, teste ces spécialités. « 40 % de nos essais intègrent des solutions de biocontrôle, précise Geoffrey Hamain, responsable d’Agrosud Développement. La finalité est de pouvoir proposer aux conseillers de terrain des itinéraires culturaux intégrant la dimension technico-économique de l’exploitation, c’est-à-dire avec un ratio coût/impact environnemental/rendement, maximal ». Les membres du réseau sont, eux aussi, très actifs. Les négoces Touchat (34) et Péris (34) sont par exemple, en 2017, numéros 1, au niveau national en hectares, de la confusion sexuelle sur Eudémis : près de 10000 hectares de vigne sont déjà couverts. Thierry Bonnaric, directeur de Touchat, avoue que « l’arrivée sur le marché de produits de biocontrôle avec AMM rassure et apporte une caution scientifique à ces derniers ». Autre exemple, celui d’Omag (13) qui emploie aujourd’hui 2,5 ETP pour accompagner techniquement les maraichers. Chez Payre (38), plus de 400 ha de noyers sont suivis pour le carpocapse via des pièges à phéromones et chez Perret (30), 1000 ha de vigne de l’appellation Chateauneuf du Pape le sont en confusion sexuelle. Tous soulignent la nécessaire technicité pour conseiller ces produits. Avec un facteur à ne pas négliger : les attentes du client.