Face à un amphithéâtre bondé et surchauffé, Xavier Poux, ingénieur agronome et docteur en économie rurale s’est lancé dans un exercice délicat : définir le concept nébuleux de paiement pour services environnementaux (PSE). « Si l’on considère que la société dépend du bon fonctionnement des écosystèmes, il est logique qu’elle finance leur préservation. Cela comprend une large variété de services : gestion de l’eau, des risques incendie, des pollutions. Sans oublier l’entretien de paysages traditionnels qui font partie du patrimoine. » Le PSE serait alors une rémunération -et non une compensation- versée à un agriculteur pour qu’il modifie ses méthodes. En bref, qu’il se transforme en jardinier du paysage alors que le changement climatique menace une partie de la biodiversité.
Des exemples dans le privé
Une fois établie la définition, les complications commencent. Qui doit signer le contrat ? L’État, les collectivités locales ou bien des entreprises privées comme Nestlé ? À Vittel, dans les Vosges, le groupe helvétique a lancé dans les années 90 une initiative audacieuse de contractualisation avec des exploitants agricoles pour protéger la ressource en eau minérale. Ce n’est pas formellement un PSE, et Nestlé a financé une vaste réorganisation foncière. Mais l’esprit est bien là.
Autres dilemmes : comment évaluer le montant des services rendus et éviter les effets d’aubaine ? Faut-il prendre comme référence le temps passé à préserver l’environnement ou bien calculer à l’hectare ? « Je défends l’idée d’un forfait qui financerait un bouquet de services, précise Xavier Poux. C’est un peu comme un instituteur. Il est rémunéré pour enseigner à la fois les maths, le français, l’histoire-géo. Et non une seule matière. L’agriculteur serait payé pour préserver le sol, les nappes phréatiques, les haies, les insectes pollinisateurs… »
Trouver le bon niveau de compensation financière
C’est finalement le témoignage de Jean-Marc Bureau, administrateur national du réseau CIVAM, organisme de réflexion regroupant 13 000 adhérents du monde agricole, qui recadre le débat. Ce producteur laitier à Beausse, en Maine-et-Loire, a signé en 2000 un contrat territorial d’exploitation pour entretenir les bocages, limiter les pesticides et l’azote sur les prairies. « J’ai apprécié ce rôle. Cela ne me choque pas d’être responsable de l’entretien d’un paysage puisque je suis déjà responsable de mes surfaces agricoles. La direction départementale de l’agriculture de Maine-et-Loire avait beaucoup travaillé sur un cahier des tâches et la rémunération. » Las, Jean-Marc Bureau souligne que la compensation financière n’était pas à la hauteur des efforts fournis. Pire encore : ce contrat de cinq ans, qui n’a pas été renouvelé, ne concernait pas un territoire assez large pour être efficace.
Adapter les mesures agroenvironnementales et climatiques
Les mêmes critiques sont formulées contre les MAEc (mesures agroenvironnementales et climatiques) de la Pac, qui sont souscrites volontairement pour une durée de 5 ans.
Elles permettent d’accompagner les exploitations agricoles engagées dans le développement de pratiques combinant performance économique et écologique.
Leur rémunération, calculée à l’hectare, est fondée sur les surcoûts et pertes qu’implique tout changement. Pragmatique, Jean-Marc Bureau refuse de jeter ce dispositif aux orties. Il suggère de l’améliorer en ajoutant plus de pédagogie, de décentraliser les prises de décision et d’appliquer les mesures à des bassins de production plus vastes.