Pascal Maret, directeur eau, milieux aquatiques et agriculture, agence de l’Eau Seine-Normandie : "La concertation, le vrai pari à gagner"

23 juin 2008 - La rédaction 

Les Français reprennent confiance dans l’eau du robinet. Jusqu’où va leur connaissance des actions mises en place pour reconquérir la qualité de l’eau ?

L’eau du robinet est parmi les produits le plus contrôlés dans notre pays.

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Pascal Maret, directeur eau, milieux aquatiques et agriculture, agence de l’Eau Seine-Normandie

À titre d’exemple, Eau de Paris fait des dizaines d’analyses par jour. Les consommateurs ont une méconnaissance de ce que représente la vérité du prix de l’eau, 3 euros le m3 en moyenne. La ressource naturelle ne coûte rien. Le coût de l’eau c’est le pompage, le traitement, l’adduction d’eau potable et surtout les opérations d’assainissement qui absorbent, à elles seules, 55 % de la facture. La consultation du grand public sur le Sdage, c’est aussi un moyen de l’inviter à réfléchir sur le prix de l’eau en France. La moitié des coûts des ouvrages d’assainissement (réseaux et stations d’épuration) est financée par les agences de l’Eau.

Quelles sont les sources majeures de pollutions contre lesquelles le Sdage propose des mesures ?

Les grands groupes identifiés comme pollueurs sont les consommateurs, les collectivités, les industries et les agriculteurs. La pollution organique industrielle est aujourd’hui réglée. Par contre la pollution d’origine chimique persiste. Et là, il n’y a qu’un seul remède quand elle est dispersée : réduire les émissions à la source. Car les stations d’épurations ne peuvent éliminer ces micropolluants. Ces substances, présentes en infime quantité, impactent à long terme les écosystèmes. Le problème est que chaque acteur économique rejette la faute sur l’autre. C’est très français de se renvoyer la balle. Que ce soit le consommateur avec ses produits ménagers, l’agriculteur avec ses pesticides, l’industriel avec ses toxiques, chacun a sa part de responsabilité.

Quel est alors le pari que doit gagner l’agriculture ?

Elle doit changer complètement son mode de raisonnement. L’agriculture de ces vingt dernières années s’est construite sur un seul pivot, celui de la protection phytosanitaire des végétaux. Aujourd’hui ce pivot est en train de casser. Il faut mettre en place un palliatif, raisonner mieux les pratiques, ne pas agir de façon systématique. C’est l’agronomie, et donc les besoins en fertilisants ou en phytosanitaires de la culture, qui doivent être les éléments déclencheurs d’un traitement ou d’un apport d’engrais. C’est ce que font d’ailleurs certains agriculteurs. Il s’agit d’un mode de raisonnement à généraliser.

Et quelles sont les principales mesures des Sdage sur chaque bassin pour l’agriculture ?

Le Sdage va dans le sens du Grenelle de l’environnement. Nous avons travaillé avec les instituts techniques pour étudier la réduction de l’utilisation des substances préoccupantes. Les agriculteurs sont
associés à ces travaux et nous réfléchissons au niveau des comités de bassin sur ce thème. Pour réduire les utilisations, outre raisonner les apports, il vaut mieux combiner plusieurs pratiques, par exemple, le choix des espèces et des variétés dans les rotations, en privilégiant les plus résistantes aux maladies, et les moins consommatrices en eau dans les zones sensibles à la sécheresse, on peut aussi concevoir l’assolement pour diminuer les pressions parasitaires, promouvoir les bandes enherbées, couvrir les sols en hiver… L’essentiel est d’agir au niveau du territoire et d’impliquer tout le monde. C’est en filigrane le pari à gagner.

Pour agir de façon concertée, il faut un chef d’orchestre, qui tient ce rôle ?

Un élu est un bon fédérateur. Un agriculteur peut d’ailleurs tenir ce rôle. Il doit être celui qui soutient la dynamique et surtout l’approche globale sur un territoire. Prendre des mesures sur une zone et pas une autre ne sert à rien. Elles doivent être décidées en accord avec tous les acteurs et se construisent autour d’un diagnostic, d’un état des lieux. Il faut aussi des actions pérennes, cohérentes et reproductibles, ce qui amène parfois à repenser complètement les systèmes de production. Mettre une surface en prairie et la retourner, cinq ans après, lorsque les aides ne sont plus là, est sans intérêt environnemental. D’où l’échec des mesures eau du PDRH (Plan de développement rural et hexagonal). Avant de faire de l’écologie et de l’agronomie, il faut faire de la sociologie. En tout cas, ce n’est pas à l’administration d’être chef de file. Nous sommes là pour donner le coup de pouce.

Vous évoquez la notion de label pour l’eau pour un territoire ?

Oui, je crois en la valeur ajoutée d’un label. Des coopératives comme Champagne Céréales, des négociants comme Soufflet, bien d’autres encore, mènent des actions dans ce sens, en incitant les agriculteurs à s’engager dans des démarches certifiées. Le label HVE (Haute valeur environnementale) devrait avoir une dimension territoriale et dépasser l’entité de l’exploitation agricole. C’est un chantier à ouvrir avec l’ensemble de la filière.

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