Le dossier de la protection des riverains lors de l’application des pesticides est sur la table du ministère de l’Agriculture depuis de nombreux mois et rebondit régulièrement. Il prend l’une de ses sources lors des États généraux de l’alimentation, menés en 2017, pendant lesquels ce sujet avait été mis en lumière, et l’idée de charte de voisinage, déjà évoquée. Un premier rebondissement intervient en 2019, quand de nombreux maires avaient décidé de publier des arrêtés municipaux pour interdire les épandages proches des habitations. Si ces arrêtés ont pour l’essentiel été cassés, ce genre de mesure ne relevant pas des municipalités, l’agitation, dans l’opinion, avait été considérable.
Première proposition du gouvernement en septembre 2019
La même année, et sans doute stimulé par cet épisode fortement médiatisé, le gouvernement abattait ses premières cartes, reprenant l’idée d’instaurer des zones non-traitées (ZNT) près des habitations. La longueur de ces ZNT est définie en fonction du type de culture et du produit utilisé. Le gouvernement a toutefois souhaité laisser une marge de manœuvre aux acteurs locaux, et ces ZNT peuvent être réévaluées à la baisse, dans une certaine mesure, au niveau des départements. Une condition, pour cela : mettre en place une « charte de riverains », construite par les représentants du monde agricole et les autres acteurs locaux, et établissant clairement les conditions de cette diminution des ZNT (utilisation de matériel de précision ou horaires d’épandages nocturne, par exemple).
Le Conseil d’État sollicité
Dès 2019, de premiers départements se sont dotés de ce type de charte. Mais des rebondissements étaient encore à venir. Sollicité par différentes associations écologistes, ainsi que par celle des Maires antipesticides de France, le Conseil d’État s’est penché sur le dossier. Avant de solliciter, à son tour, le Conseil constitutionnel pour certains détails touchant spécifiquement aux chartes de riverains. Verdict, au printemps 2021 : les chartes sont jugées anticonstitutionnelles, car les modalités de concertations, lors de leur construction, sont insuffisantes.
Une copie revue fin 2021
En juillet 2021, le Conseil d’État reprend les conclusions du Conseil constitutionnel et enjoint au gouvernement de revoir sa copie. Ce dernier a six mois pour réagir. Il en faudra cinq pour qu’il propose de nouveaux textes, fin décembre 2021. Dont un décret, qui restructure la phase de concertation lors de l’élaboration des chartes. Les préfectures départementales sont désormais impliquées, et garantes d’une consultation assez large. Ce décret, ainsi que l’arrêté qui complète le cadre des pulvérisations de pesticides près des habitations, ont été publiés le 26 janvier 2022, après une phase de consultation publique. D’autres rebondissements ne sont toutefois pas à exclure : différentes associations écologistes estiment que le compte n’y est toujours pas, et ont annoncé lancer de nouveaux recours. Affaire à suivre…