Pourquoi avoir synthétisé 150 sources scientifiques, juridiques, ainsi que des articles de presse dans votre rapport « Notre avenir s’appelle forêt » ?
Reforest’Action a pour vocation de restaurer les forêts dégradées et de pérenniser l’ensemble de leurs services écosystémiques. Pour que notre engagement soit pertinent, nous avons travaillé pendant près de deux ans sur l’impact des dérèglements environnementaux comme le réchauffement climatique ou les dynamiques des attaques d’insectes… mais aussi sur le rôle social de la forêt et les enjeux économiques.
Comment est constitué le comité de relecture ?
Nous avons sollicité des spécialistes afin d’apporter différents regards sur notre rapport. Ce comité comprend des experts forestiers, des scientifiques, des industriels du bois, des professionnels de la gestion durable des forêts et des membres d’associations environnementales. Ce qui nous a semblé important, c’est d’avoir des points de vue différents sur notre analyse. Les membres du comité ne sont pas forcément en phase avec l’ensemble de nos conclusions. C’est un échange.
Le début du rapport est très alarmiste. Quelles menaces pèsent sur la forêt ?
Cette analyse à 360 degrés présente les multiples facteurs de risque. S’il est difficile d’extraire un chiffre précis, les évolutions de températures et de précipitations attendues à horizon 2100 en Europe pourraient déprécier, en l’absence de mesures efficaces, de 14 % à 50 % la valeur des forêts européennes. Il y a un double phénomène. D’une part, l’intensité et le nombre d’aléas risquent d’augmenter en raison du changement climatique et de pressions biotiques, comme la hausse continue du nombre d’insectes exotiques en France. D’autre part, la surface forestière grandit, mais pas forcément avec le niveau de qualité attendue. La forêt pourrait donc avoir de plus en plus de mal à récupérer après ces épisodes de pressions qui peuvent par ailleurs se combiner : sécheresse, tempête, ravageurs….
Comment améliorer ses défenses ?
Les études scientifiques démontrent que la diversité des essences d’arbres est une alliée. Les massifs mono-essences ont certains atouts, notamment leur exploitabilité, mais bien souvent les peuplements dotés de plusieurs essences fournissent davantage de services écosystémiques (production de bois, stockage CO2…) et sont plus résistants aux aléas. Les forêts mono-spécifiques et diversifiées sont toutes deux pertinentes. Cependant, la meilleure assurance-vie de la forêt réside dans sa diversité.
Est-ce applicable aux Landes ?
Notre vision est pragmatique et locale. Les principes du Socle Commun de Multifonctionnalité qui orientent notre modèle donnent une aide précieuse aux reboiseurs. Leur mise en œuvre sur le terrain doit s’effectuer au cas par cas selon les réalités du terrain. Il est difficile de varier les essences dans les Landes où seul le pin maritime pousse dans de bonnes conditions. Mais pourquoi ne pas planter des haies composées de chêne et de bouleau ? Ces ceintures diversifiées forment un rempart végétal en cas d’attaques d’insectes.
Vous évoquez le socle commun de multi-fonctionnalité. Pouvez-vous décrire ce concept avec plus de précision ?
C’est un ensemble de principes applicables lors de la plantation ou de la régénération d’un peuplement d’arbres, destiné à créer les conditions d’une croissance durable dans le respect des écosystèmes. La forêt rend des services sociétaux, environnementaux, économiques… Le Socle comporte six principes, dont trois sont envisageables à court terme : diversité des essences, maintien d’une partie du bois mort et préservation du CO2 des sols. Cela complète le plan simple de gestion (PSG), document de référence des propriétaires et exploitants forestiers.
Comment tisser le lien entre la forêt et les citadins ?
Il est difficile d’interdire les promenades en forêt aux urbains. Ils viennent pour se ressourcer sans avoir conscience d’être dans une propriété privée lorsque c’est le cas. En mars 2019, « Mois de la forêt », nous organiserons une campagne de sensibilisation à la forêt avec des partenaires entreprises et associations tels que France Nature Environnement et Leroy Merlin. Il faut créer des rencontres entre propriétaires et randonneurs pour évoquer notamment le rôle économique de la forêt et la nécessité de la coupe dans le cadre d’une gestion durable.
Propos recueillis par Marie Nicot