« De nos jours, avant de manger, on se souhaite bonne chance plutôt que bon appétit. » Cette boutade alarmiste de l’écologiste Pierre Rabhi, passera-t-elle de mode ? Simon Bernard, un jeune ingénieur souhaite redonner confiance avec Scan Eat, un système inédit de détection des pesticides sur les aliments. Tout juste diplômé de l’Ecole de la marine marchande, il a intégré en janvier l’incubateur des Ponts et Chaussées à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne) inauguré l’année dernière par Ségolène Royal.
« Je suis sous contrat avec le ministère de l’Environnement pendant un an pour développer mon idée en collaboration avec une dizaine d’experts du marketing, de la biologie, de l’optique, du traitement de données… Certains m’aident même bénévolement. Je me vois comme un conducteur de projet », précise Simon Bernard.
Scan Eat devrait intéresser en priorité les professionnels : agriculteurs, gérants de magasins bios, acheteurs de la grande distribution… Et dans un deuxième temps le grand public.
Une empreinte moléculaire de la pomme
Les pesticides sont repérés via un faisceau de rayons qui frappent les molécules. Le capteur analyse les substances en fonction de la façon dont le rayon est renvoyé. Il transmet une sorte d’empreinte moléculaire d’un fruit ou d’un légume. Scan Eat peut par exemple détecter la présence du chlordécone, un insecticide aujourd’hui interdit après avoir été utilisé pendant des décennies sur les bananiers antillais. Cette substance imprègne encore certains sols au point de contaminer les végétaux qui y poussent. L’appareil signale la présence de la molécule. Par contre, il n’indique aucun taux en fonction des LMR (Limites maximales de résidus). Et ne donne pas de consigne de consommation. « On ne saura pas s’il y a 0,23mg ou 0,12 mg de chlordécone par kilo de bananes, prévient Simon Bernard. Pour cela il faut analyser tout le fruit dans un laboratoire spécialisé. »
Le jeune homme affronte un casse-tête : « Il existe plus de 500 molécules autorisées dans les phytosanitaires dont certaines sont présentes en très faible proportion. Je vais donc me concentrer sur les 20 molécules les plus fréquentes. »
À l’heure actuelle, seuls des laboratoires tel celui de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation et de l’environnement (Anses) mesurent la teneur en pesticides, herbicides et fongicides des matières premières agricoles. Un procédé lourd et onéreux.
Une compétition mondiale
Simon Bernard imagine un système beaucoup plus économique et accessible. Les start-up Consumer Physics et Tellspec ont réussi à miniaturiser les scanneurs alimentaires. Scio, le capteur de Consumer Physics équipe même le smartphone H2 du groupe chinois Changhong. Dévoilé en janvier, ce smartphone qui permet de détecter le taux de sucre et de déduire l’apport calorique des aliments sera d’abord vendu aux États-Unis et en Chine. Il cible en priorité les consommateurs soucieux de leur ligne. Et coûte moins de 300 dollars, ce qui reste relativement abordable.
Simon Bernard a devant lui un boulevard pour adapter Scio à la détection de substances chimiques. Mais la voie pourrait être semée d’embûches. Le jeune Français ignore si un autre inventeur travaille sur le même sujet quelque part dans le monde. Intrépide, Simon Bernard s’est lancé dans une course de vitesse sans connaître ses adversaires.