Dans un paysage agricole, la diversité végétale peut prendre deux formes. Elle dépend d’une part du nombre de cultures différentes, et d’autre part des aménagements semi-naturels (bandes enherbées, jachères…) et naturels situés dans et autour des parcelles (arbres, haies…). La littérature scientifique dédiée aux bénéfices biologiques et agronomiques de cette diversité est vaste. L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a révélé en octobre 2022 les résultats d’une vaste expertise réalisée à partir de 2000 études sur le sujet.
321 résidents et acteurs des zones agricoles interrogés
Quelques semaines plus tard, le 14 novembre, une nouvelle publication abordait le sujet sous un prisme nouveau. L’Institut de recherche Senckenberg sur la biodiversité et le climat (Allemagne) et Inrae ont collaboré pour mesurer le lien entre la diversité végétale et 16 services écosystémiques (1) dans trois bassins de production allemands. « L’originalité de ce travail tient au fait qu’en plus de l’évaluation de données agronomiques collectées sur 16 ans, la demande pour ces services par différents groupes d’acteurs du territoire a été évaluée, via des enquêtes menées auprès de 321 personnes habitant ou travaillant dans ces trois régions », souligne Gaëtane Le Provost, chargée de recherche à Inrae et co-autrice de l’étude.
Cette dernière reconnaît d’ailleurs que, dans un premier temps, ce travail était davantage centré sur les données agronomiques. « C’est un de nos relecteurs qui nous a suggéré de mettre davantage l’accent sur les aspects sociétaux ! », explique-t-elle. Car les réponses de ces 321 personnes livrent des enseignements intéressants. Les scientifiques les ont classés en quatre catégories : les résidents, les associations de conservation de la nature, le secteur agricole, mais aussi le tourisme.
Tourisme et agriculture, des intérêts communs
Invité à distribuer 20 points aux 16 services écosystémiques, les acteurs du tourisme affirment être attachés en particulier à des services culturels tels que « la diversité acoustique au sein de la parcelle de prairie, la diversité des oiseaux, le couvert en fleurs », détaille Gaëtane Le Provost. Ces trois retombées positives de la diversité végétale sont également mises en avant par les résidents. Si ces conclusions sont assez intuitives, d’autres sont moins évidentes. Ainsi, les agriculteurs se montrent logiquement intéressés par les services plus « productifs », comme la quantité et la qualité des fourrages, mais ils s’avèrent eux aussi sensibles à l’esthétique et l’environnement sonore de leurs parcelles.
Ce travail apporte des éléments intéressants, susceptibles d’alimenter les réflexions quant aux paiements pour services environnementaux (PSE). Qu’ils soient abondés par des fonds publics, ou par des acteurs privés, ces PSE sont un moyen d’orienter les agriculteurs vers des pratiques vertueuses, mais pas forcément rémunérées par le marché alimentaire. L’étude révèle ainsi un certain potentiel dans l’implication financière des acteurs du tourisme, en milieu rural, dans ces incitations à diversifier les paysages.
(1) diversité acoustique au sein de la parcelle de prairie, diversité des oiseaux, couvert en fleurs, pollinisation, potentiel de régulation naturelle, absence de pathogènes, absence d’herbivore, décomposition de la matière organique, production de fourrage, qualité de fourrage, agrégation du sol, rétention du phosphore, rétention de l’azote, stockage du carbone, potentiel de nitrification et recharge de la nappe phréatique.