Environ 80 % de l’azote rejeté par le corps humain passe par l’urine, et l’élimination de cet azote représente l’une des tâches les plus énergivores pour les stations d’épuration. D’un autre côté, les plantes ont besoin d’azote pour pousser, et fabriquer une tonne d’engrais « coûte » une tonne équivalent pétrole. Pourrait-on valoriser l’urine humaine pour fertiliser les plantes ? Une piste de réflexion scientifique qui monte en puissance.
Assurer jusqu’à 30 % des besoins en fertilisation azotée
L’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) s’est emparé du sujet. Chercheur au sein de la structure, Bruno Molle estime que « récupérer entièrement l’azote des effluents d’origine humaine permettrait d’assurer 30 % des besoins mondiaux en fertilisation azotée. » En lien avec différents partenaires, l’Irstea s’est intéressé aux conditions qui permettraient de limiter au maximum les risques sanitaires liés à une utilisation de l’urine pour fertiliser les plantes, tout en validant la capacité du sol à transférer les nutriments vers les plantes.
Urine vino veritas
Fort de ces résultats encourageants, l’Irstea annonce le 2 octobre le lancement d’une expérimentation sur un domaine viticole bio, près de Montpellier. L’objectif étant notamment de comparer l’urine, sous différentes formes (brute, précipitée…), avec des fertilisants classiques. Les aspects sanitaires et agronomiques seront suivis de près. L’expérience devrait être conduite jusqu’à la vinification des raisins. Les résultats sont attendus pour la fin 2019.
L’institut travaille, en parallèle, sur la faisabilité d’un dispositif de récupération de l’urine humaine à l’échelle d’une ville.
Récompense pour une thèse portant sur l'urine en tant « qu'or vert »
Fabien Esculier, chercheur de l'École des Ponts ParisTech, a reçu le 1er octobre la médaille d'argent de l'Académie d'Agriculture de France pour ses recherches sur le recyclage des urines humaines en engrais. Une récompense remise notamment par Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture. Selon le chercheur, l'urine est une « ressource insoupçonnée, fondamentalement renouvelable ». Sa collecte, en vue de produire des engrais, « très largement pratiquée à Paris au XIXe siècle », pourrait ouvrir la voie à une nouvelle économie circulaire.