« Il faut vivre avec son temps et être transparent sur la valeur. » Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB) officialise la démarche « Éleveur & Engagé » : une relation commerciale réinventée entre les éleveurs et la grande distribution pour offrir au consommateur une viande de qualité payée à hauteur des coûts de production. Après un an de travail avec les grandes enseignes, le bilan est plutôt positif. Sept sur neuf d’entre elles s’engagent : 5 500 vaches vendues par mois et une plus-value comprise entre 80 centimes et 1 € par kilo, soit environ 300 € supplémentaires par vache. « Nous sommes à 25 % de notre objectif initial en termes de volume, poursuit Bruno Dufayet. Il y a encore beaucoup de potentiel pour ce commerce équitable franco-français ! »
Charte des bonnes pratiques et maturation
La démarche est née pendant les manifestations de l’été 2015 pour la revalorisation du prix de la viande bovine. L’éleveur du Cantal se souvient : « À chaque fois que nous échangions avec des consommateurs, le message qu’ils nous adressaient était toujours le même : manger une viande de qualité, quitte à payer un peu plus, mais en étant certain que la plus-value aille dans la poche de l’éleveur. » L’engagement part de là. Le contrat est le suivant : l’éleveur garantit une viande issue d’un animal de qualité bien élevé (âge, état de finition, classement de la carcasse) avec un délai de maturation minimum de dix jours. « La Charte des bonnes pratiques d’élevage constitue le socle minimum pour être éligible, afin de répondre aux enjeux de bien-être animal et l’environnement, précise Bruno Dufayet.
La maturation de la viande est un gage de qualité, un savoir-faire qui n’aurait pas dû disparaître et pour lequel nous voulons aussi nous battre. » Le distributeur, de son côté, rémunère l’éleveur sur ses coûts de production, qui sont évalués indépendamment par l’Institut de l’élevage, et propose au moins 50 % de viande issue de la démarche « Éleveur & Engagé » dans son rayon boucherie.
« Super U s’est engagé dès le départ, poursuit le président. Carrefour a immédiatement suivi. Auchan, Casino et Lidl sont en plein développement de l’offre. Seuls Leclerc et Intermarché, qui sont pourtant signataires, n’ont réalisé aucun volume à ce jour. » Après la grande distribution, la démarche sera déclinée en boucherie artisanale, « un acteur important dans la défense de l’élevage français ».
Préserver le modèle d’élevage à la française
Attention cependant à ne pas se tromper, « Éleveur & Engagé » n’est pas un label. « C’est une démarche que nous voulons généralisable à toute offre de viande bovine française », précise Bruno Dufayet. Actuellement en réflexion avec les labels pour éviter toute concurrence entre eux, les éleveurs de viande bovine y voient à terme un socle pour ceux-ci. « Nous voulons que toute la filière y trouve son compte, le producteur évidemment, mais aussi l’industriel et le distributeur. C’est la condition nécessaire pour préserver notre modèle d’élevage et la consommation de viande française sur le territoire national. »
À l’heure des États généraux de l’alimentation et du bras de fer entre les laiteries et les distributeurs sur le prix du beurre, « Éleveur & Engagé » apparaît résolument comme une démarche « dans l’air du temps ».
La charte des bonnes pratiques d’élevage
Lancée en 1999, la charte des bonnes pratiques d’élevage engage les éleveurs, sur la base du volontariat, à : • Garantir la traçabilité de leurs animaux, via leur identification ; • S’assurer de la bonne santé du troupeau ; • Fournir une alimentation saine, équilibrée et suivie ; • Veiller au bien-être des animaux et à la sécurité des personnes travaillant sur l’exploitation ou y intervenant ponctuellement ; • Contribuer à la protection de l’environnement. En 2017, la charte regroupe 87 000 élevages adhérents, soit 52 % des élevages bovins français.