La grande distribution pratique d’importantes marges sur les produits frais bio ? Oui, mais…

4 septembre 2019 - Eloi Pailloux 

Deux ans après une première étude du même type, l’UFC-Que choisir publie sa comparaison des marges sur les fruits et légumes dans la grande distribution pour les filières bio et conventionnelle, le 22 août 2019. Et la conclusion de l’association reste la même : sur le bio, la grande distribution « matraque toujours » les consommateurs. La marge des distributeurs, pour les produits frais labellisés, est en moyenne plus élevée de 75 % par rapport au conventionnel. Un chiffre qui cache une grande disparité. Pour l’oignon, l’ail ou la carotte, la marge est identique. Mais pour les trois fruits et légumes les plus consommés, elles sont respectivement supérieures au conventionnel de 83 % (pommes de terre), 109 % (tomates) et 149 % (pommes).

UFC somme la distribution de justifier ses marges en bio

À titre d’exemple, dans le cas de la pomme, le prix d’un kilo revient à 2,04 € en conventionnel, contre 4,19 € en bio. La différence se décompose ainsi :
– La marge brute appliquée par la distribution passe de 0,87 à 2,17 € (soit +149 % en bio).
– La part du prix revenant à l’agriculture passe de 1,06 € à 1,80 € (soit +70 % en bio).
– La TVA passe de 11 à 22 centimes.

L’augmentation du prix « agricole » ne choque pas l’UFC. Les conditions de production, sans intrants de synthèse, réduit les rendements des exploitations bio, qui doivent donc augmenter leurs prix pour rester rentables. L’association, en revanche, attend de la grande distribution qu’elle justifie cette marge 75 % plus élevée en bio. La Fédération du commerce et de la distribution (FCD) avance ses arguments : elle juge la méthodologie de l’UFC « approximative », car ne prenant pas en compte certaines spécificités de la filière bio pour les distributeurs. Par exemple, des frais de transports supplémentaires dus à des volumes moindres, limitant les économies d’échelle. Ou encore un conditionnement plus délicat pour les produits bio, qui souvent ne sont pas stockés en vrac. La FCD ne donne toutefois aucun élément chiffré.

Les « taux de marges » bio et conventionnels sont comparables

Suite à la publication de l’étude de 2017, la FCD avait apporté une autre précision. Si les marges brutes « bio », exprimées en euros, étaient effectivement supérieures, elles étaient calculées à partir d’un coefficient, le « taux de marge brute » (exprimé en pourcentage), est en moyenne équivalent entre bio et conventionnel. Autrement dit, le prix d’achat d’un fruit ou d’un légume bio, pour une grande ou moyenne surface (GMS), étant plus élevé, le même taux de marge aboutit nécessairement à une marge plus grande.

Plusieurs médias relèvent ainsi que, selon les données « 2019 » de l’UFC, le taux de marge brute bio moyen est même… moins élevé que celui du conventionnel (87 contre 93 %). Mais, il s’agit là justement d’une moyenne, cachant une forte disparité d’un produit à l’autre, de 69 % pour la nectarine à 239 % pour l’oignon. L’UFC soupçonne donc les distributeurs d’ajuster ces taux en fonction de la popularité des produits. En clair, d’appliquer un coefficient plus important pour les fruits et légumes les plus demandés.

Un mécanisme de calcul qui dépasse la distinction bio/conventionnel

Que retenir de cette étude ? Que c’est l’ensemble des marges réalisées par les GMS sur les fruits et légumes qui est importante, aussi bien en bio qu’en conventionnel. La marge globale sur les produits frais est souvent gonflée par le distributeur pour compenser le peu de marge réalisé sur d’autres produits très demandés (type Nutella, Coca-Cola, Ricard…), qui attirent le consommateur quand ils sont proposés à bas prix. Si la loi Égalim vise à limiter ce mécanisme (voir notre explication ici), l’UFC invite les consommateurs à faire jouer la concurrence, et à opter pour la distribution spécialisée en bio. « Bien qu’ils soient globalement plus chers que ceux des grandes surfaces lorsque l’on prend en compte l’ensemble des produits bio, […] les prix s’y avèrent 19 % moins élevés sur les seuls fruits et légumes », affirme l’association.

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