La ligne de métro 18, reliant Versailles à Orly, devrait être mise en service progressivement de 2026 à 2030, d’après le site de la Société du Grand Paris. Installée en surface, elle traverserait ainsi le plateau de Saclay sur 3 kilomètres, territoire au sud-ouest de Paris caractérisé par la seule Zone de protection naturelle, agricole et forestière1 (ZPNAF) de France.
Depuis deux ans, élus et agriculteurs locaux souhaitent établir un dialogue avec la Société du Grand Paris. Réunis lors d’une conférence de presse le 11 juillet 2023, ils cherchent à trouver un compromis pour limiter l’impact du projet sur la biodiversité et l’activité agricole du territoire, avec l’appui de chercheurs et écologues de l’Université Paris-Saclay, qui ont récemment publié une étude à ce sujet.
Écologie et agriculture : même combat
En mai 2023, des chercheurs de l’Université Paris-Saclay ont réalisé un rapport relatif aux impacts du tronçon Saclay-Châteaufort de la ligne sur les continuités et fonctionnalités écologiques. Selon le document, la mise en place de cette ligne de métro fracturerait le paysage, provoquant la rupture des corridors écologiques, puisqu’elle agirait comme une barrière physique entre les espaces naturels. « Cela favoriserait la rupture du lien prédateur-proie, et donc une perturbation des écosystèmes », souligne Elsa Bonnaud, chercheuse à l’université Paris-Saclay et écologue. Les élus, porte-parole des agriculteurs qui n’ont pas pu être présents lors de la conférence de presse, ont fait remarquer qu’une barrière physique pour les espèces animales en est aussi une pour les engins agricoles.
Cette installation isolerait près de 80 hectares de parcelles, diminuant leur accessibilité. Compliquer l’activité agricole et mettre en péril la biodiversité, cela enverrait un message néfaste pour la préservation de l’agriculture sur ce territoire, selon Caroline Doucerain, maire des Loges en Josas et présidente de l’association Terre et Cité : « Si cette activité devient trop difficile à pratiquer, les agriculteurs vont finir par partir, assure-t-elle. Nous avons en plus la chance d’avoir une agriculture innovante, en accord avec les enjeux climatiques actuels : mettre en place un projet qui détruit la biodiversité ruinerait tous les efforts d’agriculteurs qui s’impliquent pour la préserver. »
Un dialogue de sourds
Ayant à cœur de trouver une solution qui satisfasse tout le monde, le collectif avait suggéré d’enterrer une partie de la ligne, avec la mise en tranchée couverte du tronçon Saclay-Châteaufort ,permettant d’établir des zones de passage. À la suite de cette demande, la commission d’enquête avait préconisé l’intégration d’une tranchée sur 1,2 kilomètre ; mais la Société du Grand Paris se montre réticente à toute modification du projet. Ce type d’installation engendrerait un chantier bien plus important, et aussi plus coûteux, raisons pour lesquelles cette proposition est rejetée, selon le collectif.
« Nous déplorons que des décisions puissent encore être prises pour des raisons économiques, au détriment de l’environnement et de l’agriculture », affirme Caroline Doucerain. Une réticence jugée injustifiée, puisque les arguments mis en avant par la Société du Grand Paris seraient infondés, et contredits par les professionnels des domaines environnemental et juridique consultés par le collectif. « Le dialogue avec la Société du Grand Paris n’en est pas un : ce n’est qu’une succession d’arguments d’autorité », déplore Caroline Doucerain.
Changement d’interlocuteur
Face à ce dialogue de sourds, et à l’urgence de la situation, les membres du collectif s’adressent directement au Gouvernement. « C’est à lui de décider, de prendre ses responsabilités », affirme Caroline Doucerain. Le 4 juillet 2023, huit maires du territoire ont adressé un courrier à la Première ministre Élisabeth Borne. « Nous avons souhaité réagir par la voie qui est la nôtre, celle de l’expertise, du dialogue et du compromis, écrivent-ils (…). Votre gouvernement est aujourd’hui le principal garant de l’équilibre territorial du Plateau de Saclay et le seul à pouvoir infléchir le projet. »
1 Créée par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, la ZPNAF définit une zone non-urbanisable, avec une gestion optimisée de ses espaces boisés et naturels.