Multifonctionnalité de l’agriculture et développement durable

20 mars 2006 - La rédaction 
Aujourd’hui, les fonctions sociales, environnementales et culturelles de l’agriculture sont souvent énoncées et recherchées par la société, conjointement à la fonction de production. Pour les décideurs publics, comme pour les scientifiques, le regard et l’analyse de l’activité agricole s’en trouvent modifiés ; il faut intégrer les multiples effets de la production agricole sur l’environnement naturel et socio-économique. Mais, les références, les outils de connaissance et de gestion de ces fonctions sont encore peu nombreux ou peu opérationnels. Des travaux réalisés dans le cadre d’un programme commun de recherche Cemagref-Cirad-Inra ont permis quelques avancées dans ce domaine.

A la fin des années 90, lors des négociations de l’OMC, les ministres européens soutiennent le fait que l’agriculture assure plus que des fonctions d’alimentation et de production marchande ; toutefois, la reconnaissance de ces «productions non marchandes» reste difficile. Diverses instances européennes et françaises lancent alors des appels à la recherche sur la multifonctionnalité de l’agriculture. C’est ainsi que l’INRA, le Cemagref et le Cirad ont soutenu de 2002 à 2004 plusieurs travaux contribuant à une identification plus précise de la multifonctionnalité.
 src=Dans ce cadre, Hélène Rapey et Etienne Josien, du Cemagref à Clermont-Ferrand, en collaboration avec Sylvie Lardon et Cécile Fiorelli (qui ont depuis intégré l’UMR Métafort) et Gérard Servière de l’Institut de l’élevage, ont développé une approche de la multifonctionnalité de l’agriculture à partir d’une connaissance précise des usages agricoles du sol et des exploitants présents dans un territoire. Une diversité de contributions des exploitants aux fonctions non marchandes en ressort. L’analyse souligne notamment la place spécifique et significative des exploitations non professionnelles. Pour l’équipe, ce fut aussi une première expérience permettant d’aller plus loin avec des partenaires étrangers dans le cadre d’un projet européen (MEA-Scope : «Micro-economic instruments for impacts assessment of multifunctional agriculture to implement the Model of European Agriculture»).

Un premier travail de définition

Étant donnée la récente émergence du «concept» de multifonctionnalité agricole et la diversité des disciplines concernées, les notions de base telles que «fonction», «activité agricole» ont des contenus divers selon les approches. L’équipe a estimé nécessaire de définir préalablement ces notions. Ainsi, une «fonction de l’agriculture» a été défi nie comme une relation entre «une entité affectée par des interactions entre pratiques agricoles et milieux» et «une attente explicite vis-à-vis de cette entité ; la plus ou moins grande satisfaction de cette attente signifie que la relation et donc la fonction, sont plus ou moins réalisées». À partir de ces définitions, l’équipe a dégagé des points à observer sur le terrain pour différencier les contributions d’agriculteurs aux fonctions dans un territoire.

Une zone test en Auvergne

Pour un premier test de la méthode élaborée, une zone de 350 hectares agricoles a été retenue dans une commune du Massif Central à orientation bovin viande. Les attentes à l’égard de l’agriculture révélées par des élus de la commune sont apparues multiples ; il s’agit prioritairement de la préservation de la qualité des eaux superficielles et du maintien de la mosaïque paysagère. Parmi les 36 usagers agricoles de l’espace identifiés, seuls 15 sont agriculteurs à temps plein, les autres étant double actifs, retraités ou usagers de loisir. 60 % de la superficie totale est en prairie, 27 % en cultures, le reste étant consacré à des jardins, vergers, vignes, friches et jachères. Les plus petites structures sont concentrées autour des hameaux.

Des résultats qui ouvrent des pistes d’action et de recherche

Après enquête auprès des exploitants, sur la base de caractéristiques de milieux et de pratiques des parcelles agricoles, les niveaux de réalisation des deux fonctions environnementales retenues apparaissent très variés entre parcelles et entre exploitants, avec des situations d’antagonismes ou de synergies entre fonctions. Des types d’exploitations se distinguent pour la réalisation de ce couple de fonctions. Par exemple, des petites exploitations herbagères à temps partiel présentent 50 % de leur surface avec un niveau élevé de réalisation de la fonction «eau», et seulement 25 % avec un fort niveau de réalisation de la fonction «paysage».
Elles se distinguent des grandes exploitations herbagères, essentiellement à temps plein, ayant 25 % de leur superficie avec un niveau important de réalisation de la fonction «paysage» et 20 % de surface avec un fort niveau de réalisation de la fonction «eau». Pour aller plus loin et comprendre l’élaboration et la différenciation des niveaux de réalisation des fonctions, des approfondissements et améliorations méthodologiques sont nécessaires. Il faut donner un caractère plus complet et générique à l’analyse réalisée sur une petite zone pour réussir à appréhender de grands territoires et considérer d’autres contextes agricoles, d’autres fonctions environnementales et mieux analyser les interactions entre fonctions.
La participation à un projet européen de recherche, ainsi qu’un projet de thèse, permettront d’aller dans ce sens, et au-delà de donner des pistes d’actions visant à développer la multifonctionnalité de l’espace agricole dans les territoires.

www.cemagref.fr

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