La forêt communale d’Ychoux, à environ 60 km de Bordeaux, en pleine forêt landaise abrite l’un des « sites-ateliers » étudiés par l’INRA1. Des pins maritimes plantés en 1992 émergent d’un sous-bois de bruyères, ajoncs et molinie bleue. Sur une petite partie des 2000 ha de forêt communale, les chercheurs étudient depuis 1999 les effets à moyen et long terme d’épandages réguliers de faibles quantités (3 tonnes de matière sèche par hectare et par an) de 4 types de boues (boues liquides, pâteuses, chaulées et compostées).
Une croissance des arbres et de la biomasse accrue
Au bout de 3 ans, ils observent qu’avec les boues liquides la croissance des arbres augmente de 16%. Cette croissance est vraisemblablement due à l’amélioration de la nutrition minérale, surtout phosphatée, mise en évidence en analysant les aiguilles de pin. Mais l’effet le plus spectaculaire est visible sur le sous-bois, avec une augmentation de biomasse de 300% avec les boues liquides, 150 % avec le compost.
Pour les deux autres types de boues, aucun résultat significatif n’a encore été obtenu.
Cependant, les épandages de boues apportent des quantités non négligeables d’éléments minéraux dont il importe de suivre le devenir. Il s’agit en particulier des « éléments traces métalliques » (ETM), dont certains sont des oligo-éléments indispensables à faible dose (zinc, cuivre), pouvant devenir toxiques au-delà d’une certaine concentration ; d’autres sont des éléments toxiques même à très faible concentration (cadmium, plomb, mercure).
A Ychoux, les chercheurs observent que les ETM s’accumulent dans une couche superficielle du sol de 0 à 20 cm. Seul le lessivage du zinc vers les nappes phréatiques est significativement modifié par les épandages : il diminue car il serait en partie retenu en surface par la matière organique des boues.
L’épandage en forêt, socialement acceptable ?
Un autre aspect de cette étude concerne le volet de l’acceptabilité sociale de ces épandages. Un comité national de pilotage coordonné par l’INRA a été mis en place par les ministères de l’agriculture et de l’écologie afin de définir et d’évaluer les conditions d’épandage en milieu forestier. Ce comité poursuit ses travaux à Ychoux et sur d’autres sites forestiers dans le cadre du réseau national ERESFOR, où interviennent plusieurs partenaires (INRA, AFOCEL, CEMAGREF, IDF, ONF…) et qui bénéficie du soutien de l’ADEME. Le but de ces recherches : constituer une base de donnée sur l’impact des épandages de boues en sylviculture et élaborer des recommandations techniques. Un consensus semble se dessiner en faveur de l’épandage des boues liquides issues du traitement des eaux usées de petites communes rurales forestières et, pour des communes plus importantes, de l’épandage de boues compostées. Parallèlement à cet espace d’échange, s’est constitué un « forum informel », autour du CETEF (Centre technique des études forestières), du CRPF (Centre régional de la propriété forestière) et d’associations environnementales comme FNE (France Nature Environnement). Ce forum joue un rôle de vigilance en soulevant des questions telles que « changement de la flore et de la biodiversité », « qualité du bois », « présence de métaux lourds » ou « écocertification »… qui sont autant d’interrogations à prendre en compte afin d’élaborer le futur arrêté sur l’épandage des boues en conditions forestières, prévu par le décret du 8 décembre 1997.
1 Unité de recherches forestières, département Ecologie des Forêts, Prairies et milieux aquatiques, centre INRA de Bordeaux-Aquitaine ; et Unité mixte de recherches INRA – ENITAB ‘‘Transferts et Cycles des Eléments Minéraux’’, départements Environnement et Agronomie, et Ecologie des Forêts, Prairies et milieux aquatiques, centre INRA de Bordeaux-Aquitaine.