Une loi pour encadrer la culture des plantes transgéniques

7 avril 2006 - La rédaction 
Le projet de loi sur les organismes génétiquement modifiés, présenté en Conseil des ministres le 8 février 2006, doit être finalisé pour cet été. Il va permettre d’encadrer la culture de plantes transgéniques en France. Explication de texte avec François Goulard, ministre de la Recherche.

La loi relative aux organismes génétiquement modifiés donne un cadre juridique pour passer de la phase expérimentale à une culture à grande échelle.

La culture des plantes transgéniques à grande échelle deviendra-t-elle une réalité en France ?
Le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, dont les débats ont été animés par le ministère de la Recherche, présenté le 8 février dernier en Conseil des ministres doit, en tout cas, permettre de donner un cadre juridique à la culture des plantes transgéniques dans les campagnes. En discussion depuis deux ans, et devant transposer la directive européenne 2001/18 sur la dissémination des OGM dans l’environnement, ce texte est très attendu par les professionnels agricoles, les écologistes et les associations de consommateurs.
Examiné par le Sénat, du 21 au 23 mars, puis à l’Assemblée nationale en mai, le gouvernement se montre optimiste pour une finalisation du projet d’ici à l’été. “De toute façon, il faudra tenir les délais, insiste François Goulard, ministre de la Recherche. Si nous ne transposons pas la directive au plus tard en septembre nous devrons payer une amende forfaitaire de 168 800 euros par jour de retard.”

Les règles pour 2007

Or, à cette période, les semis de maïs, la principale plante OGM concernée en France par la culture à grande échelle, seront réalisés. L’enjeu est donc que les exploitants prennent connaissance de ces nouvelles règles pour la prochaine campagne agricole.
Que dit le texte ? Il comporte cinq chapitres : l’expérimentation au champ, l’homologation des OGM, la culture des plantes transgéniques à des fins commerciales, la responsabilité juridique, la place des citoyens et l’information au public.

Le mot du ministre de la recherche

François Goulard. “Nous voulons que le Conseil des biotechnologies soit aussi une instance de débat entre les membres, choisis sur la base d’une excellence scientifique, et des personnalités de notre société, dont des représentants d’associations. Il faut aussi un mécanisme simple et rapide pour indemniser l’agriculteur qui aurait subi une perte financière du fait du dépassement accidentel du seuil d’étiquetage, fixé au niveau européen à 0,9 %. Le recours à un régime d’assurance privée des agriculteurs producteurs d’OGM est la priorité.”

1. L’expérimentation en plein champ

L’expérimentation en plein champ avait fait l’objet de nombreux débats au cours des tables rondes lancées par la mission parlementaire d’information sur les OGM. Au final, son recours sera autorisé seulement s’il s’avère nécessaire. Pour cela, le dossier d’autorisation devra s’appuyer sur des connaissances acquises au préalable par des essais en laboratoire, puis en serre. Si cela n’est pas suffisant, alors la demande d’expérimentation sera étudiée et sera délivrée après examen des risques que représente la dissémination pour la santé et pour l’environnement. Le public sera parallèlement consulté par voie électronique, sur le site www.ogm.gouv.fr, pendant une période de quinze jours.

La loi fixe, par décret, les données qui ne peuvent être gardées confidentielles comme le nom et l’adresse de l’exploitant, les caractéristiques générales du produit et la finalité de la recherche, ainsi que toute information “utile à l’évaluation des effets prévisibles”, notamment pour la santé publique et l’environnement.

2. Homologation des OGM

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Le texte prévoit une réforme de l’expertise pour l’évaluation des OGM, avec une prise en compte renforcée des risques pour la santé et pour l’environnement, et un encadrement plus strict des procédures d’homologation. D’une part, la mise sur le marché des produits composés totalement ou en partie d’OGM est soumise à autorisation, accordée pour une durée maximale de dix ans. D’autre part, le projet prévoit la création d’un Conseil des biotechnologies chargé de l’évaluation et du suivi des projets d’utilisation des OGM. Il est issu de la fusion des trois instances consultatives préexistantes : la Commission du génie génétique (CGG), la Commission d’étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire (CGB) et le Comité de biovigilance. Toute demande d’autorisation de dissémination doit comporter un plan de surveillance. Et le demandeur à obligation de déclarer tout élément nouveau susceptible de modifier l’appréciation du risque pour la santé publique et l’environnement. L’utilisation des gènes marqueurs de résistance aux antibiotiques fait l’objet de deux articles. Ceux susceptibles d’avoir des effets préjudiciables pour la santé publique et pour l’environnement sont interdits depuis le 1er janvier 2005 pour les cultures commerciales et d’ici à 2009 pour les utilisations à des fins de recherche.

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Antoine Messéan, vice-président de la Commission du génie biomoléculaire

“La création du conseil des biotechnologies avec une plus forte prise en considération des aspects socio-économiques est positive. L’évaluation des OGM va ainsi aller au-delà de l’approche scientifique, avec une vision globale sur la pertinence de développer tel ou tel OGM. Les experts, qui formeront ce conseil, ne sont pas encore nommés. Pour ma part, je pense qu’il faudra aller vers un renouvellement des personnes mais en assurant une certaine continuité avec les instances précédentes.”

3. La culture d’OGM

La transposition de la directive européenne 2001/18 sur la dissémination des OGM dans l’environnement doit permettre de fixer les règles concernant la culture des plantes transgéniques à des fins commerciales.

La déclaration des parcelles de cultures OGM dans un registre national devient obligatoire. Et la directive européenne 2001/18 oblige également à déclarer la localisation des parcelles. Il reste encore à déterminer, par décret, les informations qui seront transmises au public. Les discussions sont vives sur ce dernier point. Néanmoins, le ministre de la Recherche se dit favorable à une transparence totale en la matière, “mais il faut que cessent les destructions sauvages et inadmissibles des parcelles OGM”.

Les mesures de coexistence entre cultures OGM et non-OGM seront à déterminer au cas par cas. Distances de sécurité, zones tampon, etc., seront définies par décret. L’Inra, la DGAL, Arvalis-Institut du végétal travaillent sur ce dossier qui devrait être finalisé en même temps que la loi.

La place du citoyen dans les dispositifs décisionnels est renforcée, notamment en ce qui concerne l’expérimentation en plein champ et l’homologation.

4. La place et l’information au citoyen

Cela a été demandé par les associations de consommateurs et de protection de l’environnement : la place du citoyen dans les dispositifs décisionnels est renforcée, notamment en ce qui concerne l’expérimentation en plein champ et l’homologation (voir chapitre précédent).

L’information au public est prévue au niveau national pour les mises en culture.

En parallèle, l’Union européenne a créé un site pour l’information et la consultation du public, http://gmoinfo.jrc.it/

avis d’experts

Charles Pernin, chargé de mission agro-alimentaire à la CLCV (association Consommation logement cadre de vie)

La crainte que les contaminations se généralisent

“Ce projet de loi nous pose des problèmes vis-à-vis de la liberté de choix des consommateurs. Le texte définit les contaminations au champ, mais pas après la récolte pour les filières aval. Or, si la culture des plantes OGM venait à se développer, les contaminations après la récolte (camions, silos de stockage…) se multiplieraient : il faut une réglementation pour les encadrer. Le cas échéant, nous craignons une généralisation des contaminations et que le seuil de 0,9 % soit revu à la hausse. Nous attendons également que les citoyens aient un réel pouvoir de décision au sein du conseil des biotechnologies. Dans ce cadre, nous aimerions que les autorisations pour les OGM posent la question de leur utilité. Il faut que les porteurs de projet démontrent l’utilité agronomique de leurs plantes transgéniques.”

Philippe Gracien, directeur du Groupement national interprofessionnel des semences et plants

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Confidentialité et assurabilité

“Nous ne sommes pas favorables à la publication de la liste des communes où sont pratiquées les expérimentations. En effet, la politique de transparence s’est déjà soldée par la destruction de plus de la moitié des essais mis en place. Si nous sommes partisans de la déclaration obligatoire des cultures à grande échelle, nous sommes aujourd’hui opposés à toute divulgation au public d’informations individuelles, afin d’éviter toute pression à l’encontre de l’agriculteur et des destructions potentielles de cultures. Par ailleurs, nous remettons en question l’obligation de garantie financière puisque la production est légale. Au vue des études scientifiques dont on dispose aujourd’hui, le respect de règles de coexistence devrait permettre d’éviter le dépassement du seuil d’étiquetage de 0,9 % chez les voisins de l’agriculteur cultivant des variétés OGM. Les situations de dépassement de ce seuil devraient être peu fréquentes. La souscription d’une garantie financière n’est, par conséquent, pas indispensable. Le plafond de 100 euros par hectare prévu pour la taxe visant à abonder le fonds de garantie est irréaliste.”

5. La responsabilité juridique

Le texte entend résoudre les questions de responsabilité juridi src=que en cas de dépassement accidentel du seuil d’étiquetage OGM dans les cultures conventionnelles.
Dans un premier temps, un fonds d’indemnisation est créé pour les cultivateurs de cultures traditionnelles qui constatent une présence fortuite de 0,9 % d’OGM ou plus dans leurs récoltes. Le fonds, géré par l’Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC), est financé par les cultivateurs d’OGM par le biais d’une taxe par hectare, d’un maximum de 100 euros. Pour comparaison, la taxe au Danemark s’élève à 13 euros par hectare.

Le ministre de la Recherche estime que la taxe en France devrait être comprise entre 10 et 15 euros. Ce fonds peut également être abondé par les professionnels et l’interprofession.
Il est mis en place pour une durée maximale de cinq ans, en attendant la mise en place d’un régime adéquat d’assurances privées.

Claude Delpoux, directeur des assurances de biens et de responsabilité de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA)

“Il n’y aura pas de sécurité juridique” src=

“Le texte fixe un régime de responsabilité spécifique, ce qui est bien. Mais une autre disposition de la loi ajoute que ce régime “ ne fait pas obstacle à la mise en cause de la responsabilité de l’exploitant mettant en culture une variété génétiquement modifiée sur tout autre fondement ”. Dans ces conditions, il n’y aura pas de sécurité juridique pour un producteur qui a fait le choix de cultiver des OGM ni de possibilité pour lui d’être assuré pour sa responsabilité excédant celle fixée par le régime spécifique. La place que prendra l’assurance par rapport au fonds dépendra du niveau de la taxe alimentant ce fonds, le producteur n’étant évidemment incité à s’adresser à l’assureur que si le coût de l’assurance est inférieur à la taxe.”

 src=Stéphane Gin, directeur des risques professionnels agricoles de Groupama

“Nous avons besoin de recul pour modéliser le risque”

“La loi offre un cadre juridique car elle définit les responsabilités du producteur d’OGM en cas de contamination. Néanmoins, nous avons encore besoin de recul et d’expérience pour modéliser le risque et évaluer le niveau de dommage économique. Les cinq années de fonctionnement du fonds d’indemnisation devraient nous permettre de combler ce manque, et de travailler au transfert progressif vers l’assurance, sous réserve que la culture transgénique devienne une réalité. L’enjeu principal pour la période des cinq années à venir étant que les assureurs soient effectivement associés au fonctionnement du fonds.”

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