La biodiversité est menacée pour une moitié par l’action de l’homme et pour l’autre par le réchauffement climatique. Autant dire par l’homme aussi. D’ici à 2050, si rien n’est fait, environ 25 % des espèces auront disparu de la planète. La France s’est engagée dans un processus consultatif et le ministère de l’Écologie en a fait une priorité pour l’année 2006. Si, pour l’heure, les efforts de la communauté internationale restent ténus, un grand pas vient d’être réalisé avec la première réunion du Comité de pilotage international (CPI). Il doit mettre en place un processus de consultation destiné à réfléchir aux besoins et formes d’un “mécanisme international d’expertise scientifique sur la biodiversité”, en anglais Imoseb (1).
de la biodiversité.
Lancement d’une expertise internationale
Cette réunion s’est déroulée à Paris les 21 et 22 février 2006, en présence de Nelly Olin, ministre de l’Écologie et François Goulard, ministre de la Recherche. Concrètement, il s’agit de lancer une expertise scientifique internationale sur le thème de la biodiversité (voir encadré). Didier Babin, secrétaire exécutif de ce processus de l’Imoseb, et chargé de mission de l’Institut français de la biodiversité, a rappelé, lors du deuxième colloque “le réveil du Dodo”, organisé par le Muséum d’histoire naturelle le 9 mars à Paris, l’enjeu de ce chantier : “Il existe des réseaux et des initiatives mais cela ne suffit pas. Il faut aussi que l’information soit transmise entre scientifiques et décideurs et vice et versa. Sur toutes les problématiques, il faut raccourcir les délais entre connaissance et prise de décisions, que ce soit au niveau d’un État, d’une région, d’un territoire, mais aussi d’un consommateur”. Trois événements sont à l’origine du lancement de cette expertise : la publication des résultats de l’étude scientifique “l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire”, la déclaration de Paris sur la biodiversité en janvier 2005 et la déclaration d’Oaxaca sur la biodiversité en octobre 2005.
Un enjeu à placer au même niveau que le changement climatique
La perte de la biodiversité rejoint l’enjeu climatique. Une des volonté du CPI est aussi d’informer l’opinion publique sur les conséquences des bouleversements annoncés.
L’activité humaine influe en grande partie sur le climat, lequel impacte les écosystèmes. Mais la disparition de la masse végétale, arbres et végétaux, facteurs essentiels du cycle de l’eau, entraîne aussi une aridité, et de fait un changement climatique. “Le grand réservoir qu’est la forêt équatoriale se vide, la prédation de l’homme y est très violente. Dans 60 ans, si rien n’est entrepris, il n’y aura plus beaucoup de forêt tropicale et le climat se trouvera d’autant plus modifié. Et, très égoïstement, les vertus de nombre de plantes qui pourraient aussi servir à des fins médicales échappent à l’homme. L’homo sapiens sapiens serait donc loin d’être sage pour deux.”
Cette alerte sur les méfaits causés par l’homo irrationabilis vient de Jean-Marie Pelt, président de l’Institut européen d’écologie, invité le 16 février par Nelly Olin, ministre de l’Écologie, dans le cadre des “Rendez-vous de l’écologie”. Au-delà du constat, il plaide pour l’instauration du principe de précaution, pointant la notion de seuil, au-delà duquel la nature ne compense pas les pertes et où l’irréversibilité entre en jeu. “Le problème est que l’on ne sait pas exactement où placer le curseur. Si quelques espèces disparaissent dans un écosystème, d’autres prendront leur place. Mais est-ce que les pertes observées aujourd’hui se situent déjà au-delà du seuil d’irréversibilité qui entraînera un appauvrissement des espèces, et une mise en danger des cycles de vie ? Nul ne peut le dire. Il faut donc être vigilant.”
Le développement durable est mobilisateur
Pour ce naturaliste, le développement durable est “une vraie idée nouvelle” car il implique aussi une solidarité forte et engage les générations à venir. Ce concept lui apparaît mobilisateur.
D’ailleurs en agriculture, les initiatives se multiplient sur le terrain pour contrer la disparition d’espèces. Il était temps. Les actions se traduisent simplement au niveau des exploitations par la restitution de réserve de flore et de faune, une action devenue obligatoire dans le cadre de la Politique agricole commune, mais aussi par la plantation de haies, l’installation de corridors de biodiversité dans les grandes parcelles. Et cet effort prend encore plus d’ampleur lorsqu’il est porté par tous, agriculteurs, organisations professionnelles, associations environnementales, sur tout un terroir. C’est le cas, par exemple, en Picardie ou tous se mobilisent de concert, mais aussi sur les sites Natura 2000, au sein des parcs nationaux. Reste toutefois aux chercheurs et aux gestionnaires des espaces naturels à trouver les bons canaux de communication comme l’a expliqué Jean-Claude Genot du parc national régional Vosges du Nord lors du colloque « le réveil du Dodo II » : “Nous avons réussi à mettre les chercheurs, l’équipe du parc et les gestionnaires autour d’une table pour bâtir une vraie stratégie d’action sur ce territoire. Les hommes de terrain ont besoin des chercheurs pour comprendre les milieux, les chercheurs ont besoin de l’expérience de ceux qui vivent la nature au quotidien”. Dans cette chaîne, l’agriculteur a son mot à dire.
(1) International mechanism of scientific expertise on biodiversity
Les chiffres Les êtres vivants : 1,750 million d’espèces connues, dont 950?000 insectes, 270?000 plantes, 20?000 poissons, 20?000 oiseaux, 7?000 reptiles, 5?000 mammifères. Les modèles évaluent à 10 M le nombre total d’espèces dont 8 M d’insectes. Pour Jean-Marie Pelt?: “il faut prendre ces chiffres avec précaution et être modeste sur ce que nous ne connaissons pas.” Prédation de l’homme : 140?000 km2 de forêt tropicale humide disparaissent tous les ans. 50 % de cette superficie a été décimée depuis les années 50, 10 à 15 % des espèces d’oiseaux ont déjà disparu sur les îles. Au XVIIe siècle, 17 espèces de vertébrés et de mammifères se sont éteintes, au XVIIIe 38 espèces et au XXe 100 espèces. 25 % des espèces auront disparu en 2050 si rien n’est fait. |
Le Comité de Pilotage International La première réunion du Comité de pilotage international devant mettre en place un “mécanisme international d’expertise scientifique sur la biodiversité” s’est tenue à Paris les 21 et 22 février 2006. Lors de ces journées les premières étapes notamment sur les attentes, capacités et besoins en matière d’expertise sur la biodiversité ont été définies. Un comité exécutif a été installé. La seconde réunion se tiendra en juin 2007. Les membres Scientifiques : 14 chercheurs dont les français Jacques Weber, directeur de l’Institut français de biodiversité et Yvon le Maho de l’académie des sciences. Constats et recommandations La gestion de la biodiversité doit être améliorée à de nombreux niveaux (national, international). La consultation doit définir le “besoin”. Elle devrait recenser ce qui a été fait en terme de fourniture d’expertise scientifique aux politiques, et évaluer des modèles et instruments disponibles dans le champs de la biodiversité. Avec Didier Babin, Imoseb |