Pas question de légiférer au niveau de l’Europe sur le thème de l’agriculture raisonnée. Mariann Fischer Boel, commissaire européen à l’Agriculture, estime que les différences de terroir ne permettent pas d’imposer un mode commun de production à chaque État membre. En revanche elle voit à l’avenir deux modes d’agriculture durable en Europe : l’agriculture raisonnée et l’agriculture biologique. Exit l’agriculture traditionnelle. Et l’effort consenti par les agriculteurs ne pourra être rémunéré que par le consommateur. Un consommateur qu’elle estime apte à défendre son agriculture européenne.
Le marché fait le produit
Ainsi, les représentants de l’Eisa (European Initiative for Substainable developpement in Agriculture), réunis en colloque le 29 novembre 2005 à Bruxelles ont bien la confirmation que la voie d’une subvention pour développer le mode de production qu’ils soutiennent n’est pas d’actualité et reste fermée. “C’est au marché de prouver si le produit répond à ses attentes”, a-t-elle complété. Reste que le critère prix est toujours prépondérant pour les Européens dans le choix de leurs produits alimentaires. Et qu’ils ne consacrent pas plus de 10 % de leur budget à l’alimentation contre plus de 30 % il y a vingt ans. En revanche, la commissaire se déclare convaincue d’une nécessaire reconnaissance de l’agriculture raisonnée via un label ou une signalétique commune à tous les pays : “et plus la pression sur les importations sera forte, plus il faudra le faire”. La communication sur une agriculture plus respectueuse de son environnement reste toutefois la pierre d’achoppement de ce système de production. En introduction du colloque, Joseph Daul, membre du parlement européen, l’a rappelé : “Aujourd’hui ce sont les agriculteurs qui sont les plus sensibles à l’environnement et à la nature, mais il faut trouver les moyens de mieux communiquer, montrer à nos concitoyens que les subventions sont bien utilisées”. Allusion faite aux aides Pac, conditionnées pour bonne partie au respect de normes environnementales et de bien-être animal. Il estime toutefois qu’il faut les mêmes règles pour éviter les distorsions de concurrence. Et adhère à cette ligne de conduite qui fait d’ailleurs l’unanimité du côté des politiques : “Tenir compte des attentes du consommateur car c’est lui qui donne les orientations.”
L’enjeu communication
Les membres de l’EISA France Farre – http://www.farre.org Luxembourg Fil – gerard.conter@ser.etat.lu Allemagne FNL – www.fnl.de Royaume-Uni Leaf – www.lefuk.org Suède Odling i balans Odlingibalans.com Autriche OAIP – www.oeaipt.at Hongrie FMTSZ – http://www.fmtsz.org/ |
Un consommateur qui selon Florence Gramond, vice-présidente d’Ipsos Agriculture n’est pas si fâché avec son agriculture, un tiers des citadins déclarent aussi qu’ils envisagent d’habiter à la campagne dans les cinq ans. Ces consommateurs estiment qu’un bon aliment ne peut être produit que dans de bonnes conditions techniques et environnementales. “En France, l’indice de confiance accordé aux agriculteurs a progressé de 20 % en deux ans, indique-t-elle. Il se place aujourd’hui au niveau 2 sur une échelle de 5. Par ailleurs, 20 % des consommateurs connaissent la signalétique agriculture raisonnée.” Pour Caroline Drummond de l’Eisa et représentante de Leaf (Linking environnement and farming), la communication est un véritable enjeu. “Par le biais de fermes ouvertes nous avons appris ce qui est important pour le consommateur mais il faut maintenant lui expliquer l’histoire de nos produits.” Reste aussi à clarifier le rôle de l’agro-industrie dans le soutien et la promotion d’une agriculture respectueuse de l’environnement. Maryline Guiramand, responsable de la plate-forme SAI (Sustainable Agriculture Initiative), entité de recherche et de réflexion commune à dix-neuf industriels dont Danone, Nestlé, Unilever, se veut rassurante : “Les agro-industriels ont conscience d’un grand besoin d’harmonisation pour que les filières agricoles et alimentaires aient une conception commune de l’agriculture durable. Ils souhaitent être le catalyseur”.
Témoignages : Nico Kass, éleveur de vaches laitières au Luxembourg “Être bourré d’optimisme” Pour Nico Kass, l’agriculture raisonnée est avant tout un état d’esprit. “Si l’on est engagé et plein d’optimisme, on évolue. Les répercussions techniques et économiques sont alors évidentes.” Il estime toutefois que les efforts engagés doivent être répercutés sur les prix. Sur son exploitation il a étudié la corrélation entre le qualité de lait et le type d’alimentation. C’est la conduite au pâturage qui donne, sans surprise, le meilleur résultat qualitatif et économique. Christophe Grison, membre de Farre, céréalier et producteur de betteraves dans l’Oise, France “L’assurance d’un débouché rémunérateur” Depuis dix ans, Christophe Grison a pris l’habitude d’enregistrer toutes ses interventions sur un carnet de plaine, mais il y a trois ans, il a choisi la saisie informatique sur internet avec le logiciel Sireme. Un mode de gestion proposé par sa coopérative Valfrance. Cet outil lui permet de piloter sa production en conformité avec les cahiers des charges de ses clients industriels ; il livre notamment de la farine pour la production de petits pots pour bébé. Depuis cet automne, Christophe Grison expérimente le pocket PC pour un suivi en temps réel de toutes ses interventions. “Ces contrats de production valorisent nos efforts.” L’agriculture raisonnée s’inscrit bien dans une démarche de progrès. John Renner, agriculteur et éleveur dans le Nothumberland, Angleterre “L’agriculture raisonnée, gage de pérennité de mon exploitation” Quand une exploitation est depuis trois cent cinquante ans dans la même famille autant dire que la transmission d’un patrimoine durable à la génération suivante signifie quelque chose. Et ce patrimoine c’est aussi la faune et la flore qu’il abrite. Sur les 147 hectares que gère John Renner, les haies ont été restaurées, des bandes enherbées de 3 à 4 m de largeur sur 600 m de long ont été créées. “La vie sauvage, la biodiversité sont très importantes au Royaume-Uni. En installant ces abris naturels, nous avons constaté une augmentation de la population d’oiseaux. Cette année nous recensons des espèces. Nous reboisons aussi certaines parties du territoire pour que la flore endémique associée – notamment les campanules – puisse se développer.” Des actions simples qui constituent la clef d’une agriculture pérenne. |