Quand agriculteurs, chasseurs, forestiers et associations environnementalistes se mettent autour d’une table, le résultat peut paraître incertain. Pourtant, en Picardie, preuve est faite que l’on peut passer d’une confrontation à une convergence de points de vue. Et même à la réalisation d’actions concrètes aux résultats bénéfiques pour tous. Ainsi, la “gestion des territoires”, ou GT, met en pratique le concept d’agriculture durable, répond à des motivations agronomiques, environnementales, cynégétiques ou paysagères grâce à des outils aussi simples que l’implantation de haies, de bandes enherbées ou de recoupement, de bosquets… Ce programme d’action ne peut donc que satisfaire une majorité d’acteurs soucieux de la préservation de l’environnement. “Bien pensé, un aménagement pour favoriser le gibier, limitera le risque d’érosion, préservera la qualité de l’eau et embellira le paysage. Les intérêts des uns rejoignent ceux des autres”, affirme le président de la Chambre régionale d’agriculture de la Picardie, Jean-Luc Poulain.
Un impact démultiplié
Par le biais de la GT, la gestion de la ressource en eau, la prévention de l’érosion, la gestion globale de la biodiversité et l’embellissement paysager s’effectuent en toute cohérence. “Pour chaque exploitation volontaire, nous réalisons un diagnostic. Lequel inclut une étude des pratiques culturales (intrants, intercultures, taille des parcelles), du territoire (éléments paysagers, types de sols et reliefs, zonages) ainsi que les projets et motivations de l’exploitant. Aucune mesure n’est imposée. Mais l’agriculteur doit rechercher à optimiser les actions pour qu’elles agissent sur plusieurs domaines comme la prévention de l’érosion et la biodiversité par exemple. L’agriculteur s’engage ensuite pour une durée de cinq ans. Le moteur est rarement financier. Nous notons une réelle volonté des agriculteurs d’améliorer l’environnement”, constate Régis Wartelle coordinateur de la gestion des territoires. Le contrat compense les pertes occasionnées par les actions. D’environ 12 000 € par exploitation, il est financé par le conseil régional et l’Europe. Le budget total de la gestion des territoires avoisine les 600 000 € annuel, coût de fonctionnement inclus, pour les deux financeurs. Après deux années de fonctionnement et 200 contrats signés, le bilan se remarque déjà dans le paysage. 200 km de haies plantées, 100 km de bandes de recoupement de parcelles, 6 000 hectares de jachère environnement faune sauvage… Dans quelques cas, les actions sont concertées entre plusieurs agriculteurs voisins. Dans l’Oise à Grandvilliers, la GT concerne un ensemble de 7 000 hectares, avec un impact faunistique important et une continuité paysagère de haies appréciée. “Deux autres projets avec un volet collectif sont prévus dans la Somme et l’Aisne”, reconnaît Régis Wartelle qui souhaiterait développer ce type d’initiatives.
Lorsque tous les acteurs gagnent
Les associations écologistes présentes dans le comité de pilotage, comme Picardie Environnement, fédératrice des associations environnementalistes locales se réjouissent aussi de la concertation des projets. “Nous réfléchissons à la création de corridors biologiques ou de patchs relais qui permettraient une circulation des espèces sensibles, animales ou végétales entre les sites protégés”, dévoile Thierry Lemaire, directeur des sites conservatoires de Picardie. Un maillage indispensable à la survie des espèces à long terme. Des concertations sont en cours pour créer bosquets, haies et bandes enherbées permettant la circulation de plusieurs espèces de papillons, lézards et mammifères dans l’Oise. Toujours sur la base du volontariat. “La preuve que les activités agricoles et la protection environnementale ne sont pas antinomiques. La GT peut prolonger et démultiplier nos actions. Elle réconcilie la nature ordinaire et la nature extraordinaire”, s’enthousiasme Thierry Lemaire. Elle rapproche aussi scientifiques et acteurs locaux. “Nous réalisons une synthèse des recherches scientifiques sur le développement des auxiliaires des cultures dans les haies et bandes enherbées et leurs impacts sur les cultures. Nous voulons proposer des espèces les mieux adaptées pour favoriser une agriculture intégrée, poursuit Régis Wartelle. Nous savons par exemple que certains carabes (insectes coléoptères) prédateurs de limaces limitent leur nombre et leurs dégâts.” Encore une fois, l’objectif est d’optimiser l’efficacité des mesures prises et de jouer gagnant pour l’activité agricole et pour l’environnement. C’est cela l’agriculture durable.
Thierry Lemaire, directeur du conservatoire des sites de Picardie “Nous sommes passés avec la gestion des territoires de la confrontation d’intérêt entre associations environnementalistes, agriculteurs, forestiers et chasseurs à une convergence d’intérêts. Avec des projets menés et défendus ensemble. Nous avons réussi autour de la table à décloisonner notre raisonnement. Nous ne pouvons gérer nos sites conservatoires seuls. Il nous faut les connecter les uns aux autres pour que les populations d’espèces protégées ou en danger puissent se renouveler. Nous souhaitons évoluer vers un maillage de sites avec des corridors biologiques (haies, bandes enherbées, jachères pertinentes…) ou des sites relais, patchs, où la faune et la flore (papillons, insectes, oiseaux, végétaux…) pourraient circuler. Ces sites relais, peuvent s’avérer de petites tailles comme des bosquets, alignement d’arbres, présence de mares, mais ils sont indispensables. Les mesures de la GT y répondent simplement et avec efficacité. |
La Gestion du territoire Six objectifs,
Et des mesures simples,
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