Les compteurs d’abeilles existant actuellement sont fondés sur l’enregistrement des entrées/sorties des abeilles et servent à détecter un changement dans le nombre de butineuses en activité dans la colonie. Mais ils sont utilisés dans une approche de comptage immédiat et ne prennent pas en compte l’histoire des abeilles et les variations au long terme des populations. |
Des abeilles marquées par une pastille en métal ou de couleur sont introduites dans une colonie pour enregistrer leur comportement. © INRA /Y.LE CONTE |
Les systèmes de comptage mis au point par les chercheurs de l’unité mixte Inra – Université d’Avignon (1) identifient les abeilles par un spécifique et enregistrent leurs mouvements sortie ainsi que l’intensité et la durée du butinage des individus marqués. Ces nouveaux compteurs, conçus et réalisés par le technicien Didier Crauser (1), permettent surtout d’étudier le devenir de cohortes d’abeilles placées dans des colonies, en particulier dans le cadre d’expérimentations sur les effets d’un produit phytosanitaire. Les anomalies de comportement détectées peuvent être une différence de l’âge des abeilles au premier butinage, une absence ou une baisse d’intensité du butinage des ouvrières, une mortalité précoce des butineuses…
Un compteur fondé sur la détection de métal
La première technique mise au point consiste à marquer des abeilles dès la naissance par une pastille métallique et à les introduire dans une colonie à tester. Les pastilles métalliques dont le poids n’excède pas 5,8 mg en moyenne (soit 3 mg de moins qu’une pelote de pollen) sont collées sur le thorax d’abeilles émergentes. Après leur période de nourrice, les abeilles marquées sortent butiner et leurs entrées/sorties sont repérées par le détecteur de métal.
Ce compteur inductif a été validé en testant l’effet de la phéromone du couvain, une substance naturellement émise par les larves d’abeilles ouvrières et connue pour influencer l’activité de butinage. Les travaux ont montré que la phéromone du couvain retarde le butinage des ouvrières, ce qui a permis de valider le système de comptage en montrant l’effet d’une molécule sur le comportement de butinage des abeilles.
L’intérêt de ce système réside dans son coût faible et sa mise en œuvre facile.
Un compteur fondé sur la détection des couleurs
Le deuxième système de comptage est basé sur la détection des couleurs. Chaque abeille reçoit sur la face dorsale de son thorax une pastille de couleur de 3 mm de diamètre ou bien est marquée avec un point de peinture. Dans une même colonie, ce système est développé pour suivre plusieurs cohortes par l’emploi d’au moins quatre couleurs différentes.
Pour le comptage, un capteur est placé au-dessus d’un passage obligé à l’entrée de la ruche qui détecte automatiquement les abeilles marquées d’un point de couleur. Un programme informatique spécifique permet ensuite d’analyser les images et de suivre l’évolution des différentes cohortes marquées. Sur le plan technique, ce système de détection par caméra nécessite des réglages précis afin de contrôler efficacement le passage des abeilles dans le sas d’entrée de la ruche.
Le dispositif a été validé en étudiant trois cohortes d’abeilles de races différentes, connues pour présenter un âge variable au butinage (2). Au total, trois cohortes de 250 abeilles ont été marquées et introduites dans une ruche expérimentale pour étudier l’âge au butinage en fonction de la race. Le comptage opéré pour les trois couleurs s’est avéré efficace et a par ailleurs confirmé les résultats obtenus dans l’étude d’origine.
Après avoir testé l’innocuité du système de marquage sur la survie des abeilles, ces deux dispositifs de comptage sont donc techniquement opérationnels. En termes d’application, ils pourraient notamment faire l’objet d’une utilisation systématique dans les procédures d’homologation des pesticides.
(1) Contacts scientifiques :
Yves LE CONTE et Didier CRAUSER
tél : 04 32 72 26 27
Unité mixte de recherche « Écologie des invertébrés », département « Santé des plantes et environnement », centre INRA d’Avignon.
(2) Brillet et al., 2002. Racial differences in division of labor in colonies of the honey bee (Apis mellifera). Ethology, 108, 115-126.