Les pesticides dans le collimateur de la DGAL

20 mars 2005 - La rédaction 
Au ministère de l’Agriculture, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) a pour mission de veiller à la qualité et à la sécurité des aliments, à la santé et à la protection des animaux et des végétaux, en coordination avec les différents acteurs concernés et d’élaborer le dispositif juridique correspondant à ses missions.En 2005, la DGAL aura à traiter la réforme de l’homologation des produits, du plan phytosanitaire et la mise en musique du volet phytos des contrôles liés à la Pac. Ce télescopage des dossiers illustre la profonde évolution de l’univers réglementaire en France. Rencontre avec Joël Mathurin, qui assure depuis le 10 janvier 2005 la fonction de sous-directeur de la DGAL (ministère de l’Agriculture), chargé de la qualité et de la protection des végétaux.

Référence environnement : Trois chantiers majeurs doivent aboutir en 2005. Homologation, plans phytosanitaires et contrôles des exploitations. Tout part de l’homologation des produits. Où en est la réflexion de la DGAL sur ce dossier ?

Joël Mathurin : Une proposition est en cours d’élaboration par nos services pour renouveler le processus de

Joël Mathurin est depuis janvier 2005, sous-directeur de la DGAL, chargé de la qualité et de la protection des végétaux. Ingénieur du génie rural des eaux et forêt, docteur en sciences économiques, il intègre d’abord l’Inra, puis, en 1997, le ministère de l’Agriculture. Il était, depuis 2001, chef du SRPV Rhône-Alpes.

mise en marché des intrants. Cette proposition, si elle est acceptée, pourrait être insérée dans le projet de loi d’orientation agricole, dont l’échéance est effectivement fixée à l’année en cours. Plus qu’un toilettage, il s’agit d’une consolidation juridique, et surtout d’une redéfinition de qui fait quoi.

Le ministère a beaucoup de responsabilités : l’évaluation du risque par la Commission des toxiques ; la gestion de ce risque, par le comité d’homologation des produits et, en troisième lieu, le suivi posthomologation et les contrôles par le comité des antiparasitaires. Ces missions, de plus en plus difficiles à remplir, se traduisent par des délais trop longs. Et nos décisions sont suspectes aux yeux du public de tenir compte de contingences socio-économiques. Nous souhaitons redonner plus de lisibilité à ces procédures, en commençant par la Commission des études de la toxicité.

R.E. : Pouvez-vous préciser le profil de la future Commission des études de la toxicité ?

J.M. : Il est trop tôt pour vous répondre avec précision. On peut observer qu’au niveau européen différents modèles existent. Au Royaume-Uni, l’évaluation et la délivrance des AMM est du ressort d’une agence indépendante. En Allemagne, une autorité indépendante délivre un avis, qui sert de base à un département du ministère de l’Agriculture pour autoriser la mise sur le marché.

La mise en marché des intrants devrait obligatoirement se faire dans un cadre global d’évaluation des méthodes de lutte et de protection des végétaux. J’entends par intrant les pesticides et biocides, les matières fertilisantes et supports de culture mais aussi les organismes de lutte biologique qui, pour l’instant, ne sont pas dans le cadre réglementaire. Tous exigent une approche bénéfice/risque qui tienne compte de l’homme – consommateur mais aussi applicateur –, de la plante et de l’environnement. Aujourd’hui, la qualité de l’évaluation du risque est handicapée par la difficulté à intégrer l’ensemble des questions éco-toxicologiques et agronomiques. Dans l’autorité indépendante qui gérera les questions d’homologation, il faudra veiller à ce que toutes ces compétences soient mobilisées.

R.E. : Une fois le risque évalué, il convient de le gérer. Quel cadre donnez-vous à ce suivi ?

J.M. : Notre métier de base est la santé des végétaux. Nous entendons renforcer les actions en matière de surveillance biologique du territoire. Beaucoup d’acteurs évoluent aujourd’hui sur le terrain, et disposent de données importantes, sans qu’un réseau soit formalisé : l’Inra, le Muséum d’histoire naturelle, les instituts et tous les acteurs de proximité, Chambres d’agriculture, groupements de défense des végétaux, distributeurs… Nous souhaitons qu’ils repensent leur rôle en termes de stratégie de collecte et d’organisation de l’information phytosanitaire. Les nouvelles technologies devraient contribuer à cet objectif, y compris en restituant une partie des données à ceux qui les émettent.

Par ailleurs, nous avons aussi à intervenir sur les préconisations. Aujourd’hui, n’importe qui peut donner des conseils sur les phytos, même si n’importe qui ne peut pas les vendre. Il existe des marges de progrès en matière de bonnes pratiques de préconisation. Pourrons-nous aller jusqu’à un label certifiant la validité des bulletins techniques destinés aux agriculteurs ?

R.E. : Les services de l’État ont présenté en janvier aux acteurs de la société civile, puis aux professionnels le projet de plan phytos (voir encadré ci-dessous). Quelles sont les échéances sur ce dossier ?

J.M. : Nous avons sollicité des contributions écrites des différents acteurs, elles seront ensuite soumises aux différents ministères, pour une présentation finalisée probablement à l’été 2005. Ils jugent, pour l’instant, que le projet manque d’ambition. Parce qu’il n’inclut pas d’indicateurs, selon les représentants de la société civile, ou faute d’outils d’accompagnement, selon les opérateurs économiques. Je suis pour ma part convaincu qu’il donne une vraie lisibilité aux actions liées à la gestion du risque phytos. Il a le mérite d’être le fruit d’une coordination interministérielle. Et l’une de ses mesures phare est sans conteste le fait de “conforter la mise en place d’un observatoire des résidus”.

R.E. : Treize des dix-neuf directives de la réforme de la Pac relèvent directement de la DGAL. Comment vos services assurent-ils les missions de contrôles de plus en plus nombreuses qui leur incombent ?

J.M. : La réforme de la Pac conditionne l’octroi d’aides directes aux exploitations au respect de réglementations ciblées. Ainsi, dès le 1er janvier 2006, l’article 3 de la directive 91/414, portant sur la mise en marché des produits phytos entre en application. Il inclut l’obligation pour les services de l’État de contrôler environ 1 % des exploitations, soit 4 000 à 5 000 contrôles annuels ciblés sur les phytos. Mais ces contrôles s’inscrivent dans une logique de sécurisation des pratiques engagées dès 2000. La montée en puissance de cette mission n’est pas récente. Pour autant, il faudra veiller à l’équilibre entre nos actions de prévention et de contrôle.

R.E. : Quels sont les problèmes rencontrés le plus souvent lors des contrôles dans les exploitations agricoles ?

J.M. : En 2004, sur 2 200 contrôles réalisés par nos services, 70 % ont fait l’objet d’un rappel à la réglementation, essentiellement en matière de stockage phytos et de PPNU (Produits phytosanitaires non utilisables). Dans 3 % des cas, un procès verbal a été dressé. Les autres exploitations étaient en conformité. Nous privilégions la prévention. Dans le cas des produits non utilisés, par exemple, les services de terrain informent des modalités de la collecte réalisée par Adivalor et l’agriculteur doit ensuite fournir un certificat attestant de sa participation.

R.E. : La multiplication des points à contrôler risque d’entraîner des bousculades dans les cours de ferme. Y a-t-il une répartition des rôles entre les différents services de l’État ?

J.M. : Il faudra de toute façon accroître la coordination, même si les différents services de contrôle disposent déjà forcément d’outils de coordination et de programmes concertés. Il existe ainsi un pôle sécurité alimentaire qui associe les directions départementales des services vétérinaires, de la protection des végétaux, de l’action sanitaire et sociale et à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). À la demande du Premier ministre, les préfets ont la possibilité de renforcer cette concertation au sein de missions interservice de sécurité sanitaire des aliments.

 

Qu’est-ce que le projet de plan phytos ?

Le projet de plan phytos s’articule autour de quatre axes : amélioration des conditions de mise en marché des produits ; renforcement des actions favorables à des meilleures pratiques agricoles et non agricoles ; actions spécifiques sur les Dom et enfin amélioration de la connaissance et de la transparence de l’impact sanitaire et environnemental des pesticides.

 

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