Charte de l’environnement, un premier pas

20 mars 2005 - La rédaction 
La charte de l’environnement marque une étape. Avec elle, le développement durable, la sauvegarde de l’environnement et le principe de précaution sont affirmés comme des valeurs fondamentales de la nation. La portée symbolique de ce texte est indéniable. Et appelle à la responsabilisation de tout un chacun.

Le texte de la charte de l’environnement, entériné le 28 février 2005, consacre le droit de chacun à “vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé”.
Le texte de la charte de l’environnement, élaboré à l’initiative de Jacques Chirac, défendu par les ministres de l’Écologie Roselyne Bachelot-Narquin puis par son successeur Serge Lepeltier, présenté et adopté en première lecture par l’Assemblée et le Sénat et entériné par le Congrès le 28 février 2005, fait entrer l’environnement dans la Constitution, au même niveau que les Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et les droits économiques et sociaux de 1946. Il consacre le droit de chacun à “vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé”. Incontestablement, ce droit ainsi reconnu et énoncé dans le premier article de la charte est une avancée. Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, députée, secrétaire nationale chargée de l’Environnement et rapporteur de la Commission sur la charte de l’environnement, “on aurait tord de sous-estimer l’impact symbolique et politique de la charte car cela consacre le droit à l’environnement au plus haut niveau de la législation”.

Au-dessus des lois

Ce texte fondateur se place au-dessus des lois. C’est la base des décrets et règlements. Ils devront respecter ses principes dans leur libellé. La charte est adossée à la constitution de 1956, ce qui signifie qu’elle fera désormais partie du bloc de constitutionnalité. Ce bloc regroupe l’ensemble des règles sur lesquelles le conseil constitutionnel se fonde, lorsqu’il est saisi, pour contrôler les lois votées par le Parlement. Concrètement, une affirmation de principe figure dans le préambule de la constitution et une loi constitutionnelle séparée est donc ajointe à la Constitution. Et dorénavant, l’environnement figure parmi les matières énumérées à l’article 34 de la Constitution.

Et cette exigence politique a une portée internationale : “Le lendemain du congrès, la présidence brésilienne nous a invités à venir présenter le texte”, ajoute-t-elle. Mais au-delà de ce droit à un environnement sain, se dessinent les impacts sur la législation : “La charte permet de sortir des incertitudes jurisprudentielles actuelles et devient garante d’une sécurité juridique nouvelle”. De plus, les exigences juridiques de la charte s’imposent à toutes les lois et pas seulement à celles qui ont une vocation environnementale.

Débats autour du principe de précaution

Bien évidemment la construction de ce texte constitutionnel ne s’est pas faite sans débats… parfois serrés. Parmi les sujets de controverse : le principe de précaution. Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, c’est un vrai progrès car l’article 5 lui offre une définition plus claire et détermine son champ d’application : “Comme il n’y avait pas de cadre précis, en cas de contentieux, c’était le juge qui tranchait. Dorénavant, les conditions de son application sont explicites. De plus, la France a adopté une attitude avant-gardiste qui prime par rapport au texte européen. Certes, les pouvoirs publics en supportent la responsabilité, les entreprises étant concernées par le devoir de prévention, mais l’article 5 offre surtout la possibilité d’agir avec l’obligation de mettre en œuvre tous les programmes de recherche permettant de lever le doute”. Et en cas de contentieux, c’est le seul article directement invocable en tant que tel auprès du juge. “Ce qui pose un juste partage entre un principe de valeur constitutionnelle, directement applicable et invocable par les citoyens devant le juge – le principe de précaution – et des objectifs de valeur constitutionnelle, qui bien que s’imposant au législateur réclament son intervention.”

Le risque écologique pur pris en compte

Autre point de discorde, l’article 4, relatif au principe de réparation et qui dans sa définition finale a écarté le terme pollueur-payeur. “Ce terme porte trop à confusion et reconnaît la notion de pollueur.” Point important : la réparation doit être à hauteur des dégâts économiques mais aussi écologiques. “Le risque écologique pur est dorénavant pris en compte. À côté du coût économique d’une marée noire, il faudra aussi ajouter celui causé à la nature. Pour un ornithologue, une association de protection de l’environnement, des cormorans mazoutés, c’est intolérable.” Mais l’essentiel c’est que la charte de l’environnement incite tout un chacun à réagir, à faire émerger cette responsabilité, ce devoir envers l’environnement.

Cela passe par des gestes, par de la prévention, de la sensibilisation. Certains sont perplexes sur la portée juridique de la charte, toutefois seule sa transcription à travers les lois permettra d’en évaluer le réel poids. La loi sur l’eau, en cours de préparation sera un bon cas d’école. La contribution exigée du monde agricole sera-t-elle jugée satisfaisante ? Servira-t-elle un premier contentieux ? Pour Ariane Vennin, avocate, membre du Conseil national du développement durable, un texte de droit vit grâce à la jurisprudence et en tout cas, “la charte sera aussi ce que nous en ferons”.

La charte de l’environnement, adossée à la constitution

Le texte de la charte de l’environnement a été adopté le 28 février 2005 par le Parlement réuni en Congrès à Versailles et promulgué le 1er mars 2005 par Jacques Chirac.

Préambule de la constitution française modifié

Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la charte de l’environnement de 2004. (…)

Les dix articles de la charte de l’environnement

“Le peuple français, considérant, que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ; Que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ; Que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ; Que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ; Que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ; Que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ; Qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, Proclame :

Art. 1er. – Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Art. 2. – Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.

Art. 3. – Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.

Art. 4. – Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi.

Art. 5. – Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.

Art. 6. – Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social.

Art. 7. – Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.

Art. 8. – L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte.

Art. 9. – La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement.

Art. 10. – La présente charte inspire l’action européenne et internationale de la France.”

source : http://www.conseil-constitutionnel.fr/

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