Le choix du bio en circuit court

20 mars 2005 - La rédaction 
En agriculture bio depuis maintenant huit ans, Gérard et Colette Méot explorent toutes les voies de commercialisation directe possibles : production de farine à la ferme et partenariat avec un boulanger, mise en bouteille d’huile de colza et de tournesol, vente de céréales à des éleveurs bio… Rencontre avec des agriculteurs soucieux de valoriser eux-mêmes leur production.

Autant que possible, nous essayons de semer les productions que nous pouvons ensuite valoriser en transformant à la ferme”, déclarent Gérard et Colette Méot, agriculteurs bio sur 120 ha en Côte-d’Or. Le bio, ils le pratiquent depuis maintenant huit ans. Après plusieurs années difficiles, pendant lesquelles leur motivation ne faiblit pourtant pas malgré un bilan économique déficitaire, le couple d’exploitants atteint enfin l’équilibre financier en 2004. Une situation qui tient à la fois d’une meilleure maîtrise des conduites culturales et à la concrétisation de projets de valorisation directe des produits.

Des rotations sur sept ans

Quand Gérard Méot décide de passer au bio en 1998, il ne se doute pas encore des difficultés qu’il va devoir surmonter. “J’ai surtout rencontré des problèmes très importants d’enherbement, notamment de chardons et de rumex. Mes rendements ont chuté de manière considérable. Pour pallier les problèmes de trésorerie, nous augmentions la sole de blé, ce qui ne faisait qu’accroître nos problèmes d’adventices… Nous sommes passés par des périodes de grandes remises en question”, témoigne-t-il. Depuis trois ans, son

Depuis deux ans, Gérard et Colette Méot travaillent en partenariat avec un boulanger. Ce dernier fabrique le pain avec des farines et graines issues à 100 % de leur exploitation.

approche est différente et enfin, en 2004, les résultats sont là. “J’ai rencontré un ingénieur agronome à la retraite qui m’a aidé à revoir mes pratiques culturales, mieux comprendre le fonctionnement des plantes, leurs interactions. Depuis, j’allonge mes rotations, j’introduis de nouvelles cultures, je raisonne davantage en fonction de l’état de mes sols et des mauvaises herbes présentes”, développe l’agriculteur. Ce dernier utilise en outre des produits à faible dose. En plus des fientes de poules, pour lesquelles il est passé de 3 t à 250 g/ha en les diluant et les dynamisant(1), Gérard Méot apporte trois produits à base de lithotame et d’argile, dynamisés eux aussi : un pour le sol (à 70 g/ha), un pour la plante (21 g/ha) et un pour la graine (7 g/ha). “J’apporte ces produits en mélange avec la fiente de poule, à raison de sept passages de pulvérisateur par an”, explique-t-il. Côté rotation, l’agriculteur se refuse d’établir une rotation-type : “je choisis les cultures suivantes en fonction du précédent, mais aussi de l’état des sols, des adventices présentes. Mon objectif est de faire des rotations sur sept ans”.

Partenariat avec un boulanger

Depuis deux ans, le couple travaille avec un boulanger installé dans le village. “Nous avons créé une structure, la ferme de la Gauloise, qui est à la fois organisme stockeur agréé par l’Onic et pour laquelle nous avons racheté un contingent de meunerie de 3 000 q. Ainsi, nous fabriquons de la farine à la ferme et la vendons à un boulanger avec qui nous travaillons en partenariat exclusif”, décrit Gérard Méot. En 2004, 50 t de blé et 10 t d’espèces diverses (sarrasin, épeautre…) ont été transformées en farine. D’autres graines sont utilisées en l’état pour agrémenter le pain : mélilot, lin, colza… Le boulanger vend ensuite ses pains auprès de magasins spécialisés et sur les marchés locaux.

Production d’huile à la ferme

“Depuis mai 2004, nous disposons d’une presse à huile sur l’exploitation. L’an dernier, nous avons trituré du colza et du tournesol, avec comme objectif de vendre les bouteilles sur les marchés en même temps que le pain”, raconte Colette Méot. Il ne leur reste à ce jour que quelques bouteilles de tournesol. Les campagnes de communication actuelles aidant, l’huile de colza bénéficie en effet d’un regain d’intérêt de la part des consommateurs.

À côté des bouteilles d’huile et du pain, d’autres produits sont vendus sur les marchés, provenant eux aussi de l’exploitation : lentilles, graines (luzerne et mélilot essentiellement)… “La vente en direct présente un intérêt financier, mais c’est aussi l’occasion de communiquer sur le métier d’agriculteur auprès du grand public. Il arrive que certains clients viennent voir sur l’exploitation comment nous travaillons. Les recevoir nous prend du temps mais c’est un vrai plaisir que d’être fier de son métier et de montrer pourquoi”, reconnaît Gérard Méot.

Deux prochaines étapes devraient prochainement être franchies : la première, prévue pour cet été, est l’ouverture d’une ferme auberge tenue par la compagne du boulanger ; la seconde sera vraisemblablement l’installation du fils cadet, pâtissier de formation, qui envisage lui aussi d’utiliser les produits de la ferme pour cuisiner gâteaux, viennoiseries et tartes.

Bourse d’échanges de céréales bio

Avec les capacités de stockage dont il dispose, Gérard Méot stocke également à façon pour d’autres agriculteurs bio. Son agrément Onic lui permet en outre de se placer comme intermédiaire de vente. “En 2004, 2 000 t bio ont été stockées à façon sur la ferme de la Gauloise. Il s’agissait principalement de blé et de luzerne”, affirme-t-il. Sur les 2 000 t, 200 t provenaient de sa propre exploitation, dont 75 t de blé et 75 t de grand épeautre. Depuis l’an dernier, Gérard Méot gère également toute la partie administrative de la bourse d’échanges de céréales bio mise en place à l’initiative d’Interbio Franche-Comté (voir encadré ci-dessus). L’agriculteur régularise, via la ferme de la Gauloise, les échanges entre céréaliers et éleveurs : taxes Onic, CVO, certificats d’origine bio. En 2004, sept céréaliers (dont lui-même) ont vendu 500 t de céréales dans le cadre de la bourse d’échanges auprès d’une trentaine d’éleveurs. “Ces derniers demandent principalement de l’orge et du maïs. Cette année, nous ajusterons du coup notre assolement en augmentant les surfaces de ces deux cultures”, note l’exploitant.

La dynamisation consiste, après chaque dilution, à agiter la préparation un certain nombre de fois dans un sens, puis dans l’autre.

Claire Dimier-Vallet, animatrice d’Interbio Franche-Comté

69 % des éleveurs bio intéressés par l’achat en direct

La Bourse d’échanges de céréales bio a été mise en place en 2004 à l’initiative des céréaliers d’Interbio sur la base d’un double constat : la difficulté de trouver des débouchés pour les céréales bio d’une part, et le nombre important d’éleveurs bio dans la région d’autre part. “Nous avons réalisé une enquête qui montre que 69 % des éleveurs bio interrogés se déclarent intéressés par l’achat en direct de céréales”, précise Claire Dimier-Vallet.
Pour légitimer les échanges en direct entre céréaliers et éleveurs, il est cependant impératif de passer par un organisme stockeur agréé, trouvé en la ferme de la Gauloise.
“L’originalité de cette exploitation réside dans le fait qu’ils cumulent toutes les formes de commercialisation : le pain fermier, l’huile, la vente en direct auprès des éleveurs…
De nombreux agriculteurs se rendent d’ailleurs sur place pour s’en inspirer”, reconnaît-elle.

L’exploitation en chiffres

Installés depuis 1975, Gérard et Colette Méot ont complètement revu l’assolement de leur exploitation en passant au bio il y a huit ans. Ils cultivent aujourd’hui une large gamme d’espèces, dont certaines en mélange, par exemple pois/avoine. Pour le blé, l’agriculteur choisit de vieilles variétés telles que Dattel, Chidam d’automne ou encore Odessa. “Soi-disant non panifiables… et pourtant très goûteuses !”, témoigne-t-il.

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