Les bandes enherbées peuvent représenter des avantages concrets en matière de gestion des sols et de l’eau, de fertilisation et de protection des cultures. Elles offrent également d’autres sources d’intérêt plus général, comme la protection du patrimoine sol, de la faune sauvage, de la flore spontanée, de la biodiversité en général.
La brochure “Gestion des bords de champs cultivés”, publiée par Syngenta Agro en collaboration avec l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), rappelle ces atouts et réunit d’utiles conseils pour faciliter la mise en place des bandes enherbées dans les meilleures conditions de réussite.
Limiter l’érosion
L’objectif affiché de la mesure imposant des bandes enherbées en bordure des cours d’eau est de protéger les sols des risques d’érosion. Même si on en attend aussi et surtout des conséquences positives en termes de limitation des risques de pollution diffuse, les effets directs, sur l’érosion, de bords de champs enherbés ne doivent pas être minimisés. En France, les surfaces affectées par l’érosion sont estimées à un peu plus d’un million d’hectares, avec des zones particulièrement sensibles comme des zones limoneuses du Nord et Nord/Est, des collines et terrasses du Sud-Ouest ou des régions du Sud-Est à climat méditerranéen. Dans des secteurs où l’érosion pose de graves problèmes, on a pu démontrer qu’une simple bordure de 6 m de large, enherbée avec un mélange de graminées semées (ray-grass anglais, fétuque rouge, fétuque élevée, pâturin) peut endiguer le phénomène, même lors de pluies diluviennes. Au bord des rivières, la mise en place d’un véritable intervalle avec les zones cultivées permet de pallier le risque de coulées ou d’effondrements et donc facilite la circulation de l’eau, améliore sa qualité tout en sauvegardant le patrimoine que constituent les terres agricoles. De tels bords de champs permettent de limiter considérablement les effets dévastateurs parfois constatés sur les cultures : arrachement de plants, destruction des levées, recouvrement des semis par des dépôts de terre, ravinements, diminution de la réserve utile…
Épurer les eaux de ruissellement
Lors de pluies suffisamment fortes, l’eau qui ruisselle sur le champ entraîne des particules terreuses et des substances diverses, en particulier une fraction des fertilisants (phosphorés et azotés) ou des produits phytosanitaires appliqués. En France, de nombreuses expérimentations ont permis de mesurer la capacité d’épuration de bandes enherbées volontairement implantées : les bandes enherbées vont ralentir l’écoulement, ce qui facilite la pénétration des eaux de ruissellement et la sédimentation des particules en suspension ; la couverture herbacée et sa zone racinaire, siège d’une intense activité biologique, assurent la rétention et la dégradation d’une partie des substances, jouant un véritable rôle de filtre.
Enfin, de manière plus indirecte, les bandes enherbées réduisent l’effet des dérives de pulvérisation, en éloignant physiquement les cultures de la rive.
Choisir un couvert adapté
L’efficacité des bandes enherbées est liée à leurs caractéristiques (âge, composition, largeur) mais également à la manière dont elles sont disposées au sein du bassin versant. On sait par exemple que les graminées offrent l’avantage d’occuper rapidement la surface du sol avec une densité de végétation importante qui constitue très vite une rugosité apte à ralentir le ruissellement. Mais d’autres facteurs peuvent aussi intervenir dans le choix d’une espèce à implanter, notamment son éventuelle nuisibilité pour la culture voisine ou sa capacité à favoriser des prédateurs naturels des ravageurs à risque pour la culture.
Ne pas nuire à la culture
En effet pour certaines cultures et ravageurs, il existe un risque de transfert entre le bord de champ et la parcelle voisine : les pucerons du tournesol se plaisent également sur les trèfles ; les noctuelles et cicadelles peuvent être hébergées par des graminées. Mais les arthropodes sont nombreux dans les bords de champs, en raison de l’abri et des ressources alimentaires qui s’y trouvent. Le risque de transfert et de nuisance pour la culture n’a rien de systématique. Par exemple, il a été démontré pour les pucerons des céréales qu’il n’y a pas de relation entre le niveau d’infestation des bordures et celui des champs de céréales adjacents. De même, les espèces de pucerons rencontrées ont peu de relation avec celles dont on connaît la nuisibilité pour le blé : dans le blé, les pucerons sont principalement Sitobion avenae, Metopolophium dirhodum et Schizaphis graminum ; en bords de champs, ces 3 espèces ne représentent que 10 % de l’ensemble des pucerons présents.
Un important réservoir d’insectes utiles
Mais surtout, l’existence du bord de champ constitue un milieu particulièrement favorable au développement des auxiliaires, insectes utiles et ennemis naturels des ravageurs. Ainsi, l’implantation de graminées comme le dactyle, en permettant l’hibernation des carabidés, favorise leur développement : or certaines espèces de carabidés sont des prédateurs efficaces des larves de doryphore et des nymphes de charançons. De nombreuses espèces de micro hyménoptères sont des parasites naturels des pucerons des céréales, des pommes de terre, des piérides, des noctuelles, des charançons du colza et des mineuses des feuilles en arboriculture : l’abondance des micro-hyménoptères dépend de la composition floristique du bord de champs. Ils sont cinq fois plus nombreux sur légumineuses que sur graminées. En offrant un site favorable au développement de ces auxiliaires, le bord de champ contribue donc à une meilleure maîtrise des insectes ravageurs des cultures. En outre, ces arthropodes constituent des proies, dont l’abondance représente un élément essentiel pour le maintien et le développement des populations d’oiseaux.
Une réserve de vers de terre
Les bords de champs constituent également un milieu particulièrement propice au développement des vers de terre qui jouent un rôle essentiel en agriculture et représentent aussi une ressource alimentaire importante pour nombre d’espèces sauvages. En agriculture, l’activité des vers de terre (lombrics) a des répercussions bénéfiques indéniables : leurs galeries améliorent la circulation de l’air et de l’eau, réduisant le ruissellement et l’érosion. En mélangeant la matière organique et les particules argileuses, ils contribuent à l’amélioration de la structure du sol, limitant la battance, créant de l’humus, stimulant la microflore. Certaines expérimentations ont montré que la production végétale était significativement plus élevée en présence de lombriciens : ont été observées des augmentations de rendement jusqu’à 111 % dans un premier temps et d’environ 30 % à long terme. En parallèle, les vers de terre fournissent à leurs prédateurs une grande quantité de protéines animales à haute valeur nutritionnelle. Ils contribuent donc à la réussite de la reproduction et du développement de nombreux animaux : bécassine des marais, vanneau huppé, merle, faisan, sanglier, renard…
Des espaces qui favorisent le repeuplement en petit gibier
Les bords de champs sont une solution intéressante à prendre en compte afin d’enrayer la diminution de population de petit gibier qui résulte de l’emprise croissante des communautés humaines sur le milieu. Des expériences menées en Grande-Bretagne en ont prouvé l’efficacité. Les espèces principalement concernées sont la perdrix grise, le lièvre, le faisan et le chevreuil.
Pour ces espèces, les bords de champs représentent d’abord un apport de ressources alimentaires : nourriture verte, graines, insectes, lombrics… Elles constituent ensuite un espace de vie pour le gibier : ce sont des lieux de passage mais également des milieux propices à la nidification.
On a ainsi constaté une augmentation des indices de reproduction de nombreuses espèces d’oiseaux à la suite d’implantation de bandes enherbées. L’existence d’un couvert permanent permet de plus aux espèces-proies de se protéger des attaques de prédateurs, en particulier en période où les sols cultivés sont laissés à nu.