Agir vite, car c’est grave. Tel est le mot d’ordre lancé par Jean-Yves Le Déaut, député PS et président de la Commission d’information de lutte contre l’effet de serre. Après six mois de travaux, 200 auditions, 200 tables rondes, des déplacements dans différents pays, il a présenté le 12 avril avec la rapporteure Nathalie Kosciusko-Moriset (UMP) les propositions et le processus de réformes qui permettraient, d’ores et déjà, d’enrayer la machine à produire le CO2, orientations consignées dans un rapport qui a été voté à l’unanimité, moins trois abstentions, par les 31 députés. “Notre volonté est de concilier le temps politique, qui est court avec le temps écologique qui est très long,” a souligné Nathalie Kosciusko-Moriset. Agir vite donc, pour en mesurer les effets à 50 ans. Et dans cette optique de réduction de 20 % des émissions de gaz à horizon 2020 et de 80 % à horizon 2050, une réorganisation autant politique que fiscale a un rôle moteur à jouer.
Taxer les sources de pollution
Ainsi, le rapport préconise la création d’un grand ministère d’État pour lutter efficacement contre le changement climatique. Il rassemblerait l’Écologie, l’Énergie et le Transport, une délégation du ministère de la Santé donnerait son avis. Côté fiscalité, il ne s’agit pas d’alourdir les prélèvements mais de les placer dans un processus vertueux, de basculer une part de la fiscalité principalement fondée sur le travail vers une indexation sur la pollution (principe pollueur-payeur). L’idée serait de retenir par exemple 1 ou 2 centimes d’euros de la TIPP pour favoriser le développement du rail, du feroutage et des transports collectifs, de prélever une taxe sur les droits de mutation des habitats anciens pour une remise aux normes énergétiques. Du côté du transport, taxer les véhicules polluants reste la mesure phare, toutefois la réduction de la limitation de vitesse n’a pas trouvé de consensus. S’ajoute une volonté de développer des infrastructures de transport innovantes ou encore de favoriser les filières courtes (proximité entre lieu de consommation et de production). Par ailleurs, l’implication des collectivités territoriale doit, selon les rédacteurs, être renforcée. Les contrats de projets régions feraient l’objet d’une estimation des émissions excessives ou à l’inverse économisées, le critère climat entrant alors en ligne de compte dans l’octroi des aides et subventions.
Grand espoir sur la biomasse
La recherche représente aussi le grand enjeu de la lutte contre l’effet de serre. Les ruptures technologiques ne suffisent pas à elles seules pour stimuler la montée en puissance de solutions alternatives. Jean-Yves Le Déaut cite l’exemple des biocarburants de seconde génération issus de la biomasse. “Nous accueillons avec intérêt les biocarburants soutenus actuellement par le gouvernement. Mais c’est une étape, nous réfléchissons à long terme, et dans cette optique, l’énergie obtenue à partir de la biomasse tient une place importante.” Et de regretter que l’impact positif de la forêt soit mal considéré dans le protocole de Kyoto.
Agriculture et crédit carbone
Dans ce climat d’urgence, nombre de projets issus du monde agricole ont un rôle positif à tenir dans le cadre du marché des droits d’émissions carbone. L’étude de la Caisse des dépôts évalue entre 5,3 et 7,6 M de tonnes d’équivalent CO2 le potentiel de réduction d’émission de gaz à effets de serre émanant de l’agriculture sur la période 2008-2012. Si la tonne de CO2 est valorisée à 25 euros, cela représente un revenu global pour ce secteur de 132 à 190 M€. Reste aussi à mettre en place un verrou économique pour que l’Europe ne pâtisse pas de son investissement dans le respect de l’environnement. D’où l’idée de la taxe Cambridge émise par un chercheur de cette université, ou comment, dans le cadre de l’OMC, créer des ajustements qui ne pénalisent pas les exportations (avec une détaxation) et les productions locales (taxation des importations) en fonction de leur contenu “carbone”. Un mécanisme qui soutiendrait notamment l’agriculture. Une bonne piste à suivre.
Le plan climat doit être remis en juin, la stratégie nationale sur le développement durable est en cours de finalisation. Nombre de ces mesures devraient inspirer les rédacteurs. Le rapport est désormais entre les mains de Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée nationale.
Mesures pour le secteur agricole et forestier
• Établir un plan de gestion global des forêts permettant de mobiliser au maximum le rôle “puits de carbone” joué par la forêt française, publique et privée.
• Développer des recherches sur des engrais moins polluants du point de vue du climat (volatilisation de l’urée notamment).
• Lancer des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre pouvant être éligibles “aux mécanismes de projets”.
• Prendre en compte les conséquences du changement climatique pour la biodiversité (couloirs écologiques).
• Anticiper les évolutions liées au climat en ce qui concerne leurs impacts sur la gestion de l’eau.
• Mettre en place un ensemble de mesures pour prévenir des conséquences de l’évolution des températures (risques de maladie, biologie, entomologie).