Contribuer à la protection des paysages et de la biodiversité : un principe du référentiel agriculture raisonnée que Xavier Mardelet connaît bien. Installé en Beauce, ce producteur de grandes cultures et de légumes de plein champ a orienté des aménagements sur son exploitation en vue de développer la flore et la faune sauvages. Son intérêt pour la protection de l’environnement n’est pas apparu par hasard : ses motivations sont indissociables de sa passion pour la chasse. “En 1994, je me suis investi dans l’association « Hommes et territoire » dont l’une des préoccupations est de travailler sur un plan de restauration des populations de perdrix grises”, explique l’agriculteur.
La même année, Xavier Mardelet adhère au réseau Farre. “En 1994, je faisais partie d’un groupe de huit exploitations d’Eure-et-Loir membres de Farre. Chacune d’entre elles s’est spécialisée sur un thème. Sur mon exploitation, la spécialisation cynégétique s’est tout naturellement imposée.”
Une localisation réfléchie
En 2001, Xavier Mardelet passe véritablement à l’action en mettant en place des haies “basses tiges” sur l’ensemble de ses terres. “Le premier travail a consisté dans le choix de l’emplacement de ces haies. Avec un voisin tout aussi passionné que moi pour la chasse et également soucieux d’aménager son parcellaire dans le même objectif, nous avons repris les plans de nos exploitations respectives. Nous avons ensuite étudié les endroits les mieux adaptés à l’implantation des haies.”
Et les objectifs de cette réflexion sont les mêmes pour les deux exploitants :
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Premier élément : les haies doivent être disposées pour rendre possible le développement de la faune sauvage, et notamment celui de la perdrix grise. “À ce niveau, les conseils de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage se sont avérés primordiaux, notamment sur la connaissance du comportement des oiseaux. En l’occurrence, une perdrix grise effectue généralement des vols de 500 à 1 000 mètres au maximum. À la fin de chaque vol, les oiseaux doivent pouvoir trouver un endroit pour se nourrir et surtout se protéger des prédateurs.”
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Autre critère non moins important : “les haies ne doivent jamais gêner les travaux agricoles. Même en étant si passionnés par le développement de la faune sauvage, nous gardons à l’esprit qu’aucun aménagement ne doit être une contrainte pour notre métier de base. La conduite des chantiers doit s’effectuer comme avant”.
Ainsi, les haies sont aménagées de façon à ne pas gêner la circulation des engins entre deux parcelles ainsi que le passage des matériels d’irrigation.
Grâce à tous ces éléments, l’exploitant implante finalement 1 200 mètres de haies de longueurs variables, de 100 à 400 mètres pour la plus longue, et distantes de 500 mètres à un kilomètre.
Aménagements, gestion et prédation
Grâce à ces aménagements aux contraintes réduites pour son activité, l’agriculteur a nettement contribué au développement de la faune sauvage sur son exploitation. Il n’est plus difficile d’y croiser faisans, perdrix grises ou chevreuils. Ces aménagements ne sont pourtant qu’une étape à cette contribution. “L’implantation des haies n’est pas totalement suffisante pour développer ces espèces. Ce développement n’est possible qu’en alliant trois éléments indispensables : aménagements, gestion et prédation.”
Pour que les haies soient accueillantes pour les oiseaux, il faut que ces derniers y trouvent de la nourriture en quantité suffisante. Xavier Mardelet a donc disposé des points d’agrainage dans et à proximité des haies. Une gestion qui a le défaut d’attirer aussi les prédateurs. “Il faut donc disposer également des pièges pour empêcher la prolifération des nuisibles”, indique l’agriculteur.
Profiter des exigences de la Pac
Depuis l’implantation des haies il y a cinq ans, Xavier Mardelet n’en est pas resté là. L’agriculteur a mis en place des bandes enherbées le long des haies, ainsi que des jachères “faunes sauvages”. Des aménagements qu’il ne considère pas comme une contrainte. Bien au contraire, l’agriculteur estime même avoir su profiter de la réglementation. “Avec la règle des 3 % minimum de bandes enherbées, j’ai saisi l’opportunité de l’évolution de la réglementation pour faire des aménagements raisonnés. Même s’il est vrai que ces aménagements ne sont pas rémunérateurs, je pense qu’il faut que les agriculteurs raisonnent aussi l’environnement, et non pas seulement leur production. En prime, j’ai le plaisir de croiser des chevreuils, des perdrix ou des lièvres quasiment tous les jours. Et en plus, c’est une action très positive aux yeux du grand public.”
Un état d’esprit que Xavier Mardelet essaie de communiquer : l’agriculteur organise régulièrement des visites de son exploitation comme celle en décembre 2004 de Serge Lepeltier alors ministre de l’Écologie.
Son prochain projet est de mettre en place un parcours pédagogique, autant pour les agriculteurs que pour les citadins, avec des panneaux expliquant ce qu’est la biodiversité, le rôle des haies…
L’exploitation de Xavier Mardelet Située à Beauvilliers (28), à 24 kilomètres au sud-ouest de Chartres. |
Les preuves Depuis cinq ans, les comptages d’animaux, organisés à chaque printemps par le GIC (Groupement d’intérêt cynégétique) de Beauvilliers, sont en progression constante. 76 % de chevreuils en plus Évolution du nombre de chevreuils sur le territoire géré par le GIC de Beauvilliers
Le territoire géré par le GIC est coupé en deux par la ligne TGV Paris-Bordeaux. De l’autre côté de la ligne, aucun aménagement n’a été réalisé. Doublement de la population de perdrix Estimation de la population de perdrix sur le territoire géré par le GIC de Beauvilliers
En outre, la réintroduction d’une population significative de faisans a nécessité, en plus des haies, un espace clôturé aménagé en jachère “faune sauvage” avec approvisionnement en nourriture. Un dispositif qui, en trois ans, bénéficie d’un bilan très positif. Réapparition des faisans En 2005, 90 coqs chanteurs sont répertoriés. |
Le saviez-vous Dans le cadre de la qualification agriculture raisonnée six régions ont des exigences territoriales réglementaires. Les régions Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Picardie et Poitou-Charentes les ont axées notamment sur la biodiversité. |
La parole aux partenaires Jérôme Lesage, association Hommes et territoire Inciter les agriculteurs à agir ensemble L’association Hommes et territoire, agréée au titre de la protection de l’environnement sur le département de l’Eure-et-Loir, développe et applique le concept “Ogare” (Opération groupée pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement) en région Centre. “Dans ce cadre, le rôle de l’association est de susciter la création d’un groupe d’agriculteurs en situation de voisinage et gérant une surface significative au regard d’enjeux environnementaux, pour les engager dans une démarche de progrès, explique Jérôme Lesage, animateur de l’association. Pour promouvoir les actions auprès des agriculteurs, nous avons obtenu en 2001 la validation d’un CTE collectif intégrant notamment l’obligation de réaliser des aménagements fixes en faveur de la biodiversité sur au moins 2 % de la SAU.” Dans le cadre des CTE et des CAD, l’association réalise les diagnostics sur les exploitations. Et pour aller plus loin, l’association va très prochainement mettre en place un nouvel outil de diagnostic “biodiversité” qui permettra d’évaluer les pratiques de l’agriculteur. Éric Mangin, fédération départementale des chasseurs d’Eure-et-Loir Bien choisir les essences de haies La fédération des chasseurs d’Eure-et-Loir a aidé l’agriculteur dans le choix des essences de haies. “Le choix d’essences « basses tiges » a été fait pour deux grandes raisons : d’abord, elles constituent un très bon milieu pour les perdrix, indique Éric Mangin, du service technique de la fédération en charge du secteur de Beauvilliers. Ces essences permettent à la fois une bonne vision au niveau du sol et un feuillage suffisamment dense pour les protéger des prédateurs. Par ailleurs, les « basses tiges » ne peuvent servir de perchoir à ces prédateurs, contrairement à des variétés d’arbustes plus hautes. Ensuite, les « basses tiges » sont très bien adaptées à proximité des parcelles de grandes cultures. Entre deux parcelles séparées d’une haie par exemple, il est facile de passer d’un côté à l’autre avec un pulvérisateur en relevant simplement la rampe, sans être obligé de la replier entièrement.” |
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