à une zone témoin
La zone « jachère apicole » de 27 ha, implantée avec les quatre espèces retenues, est située autour du Rucher École d’Orville. Elle fait l’objet d’une analyse comparative avec une zone témoin, qui n’a subi aucune modification, établie autour des ruchers de Bernard Coulon, à Beaune-la-Rolande (45), à une vingtaine de kilomètres au sud de la première. Ces deux zones ont été choisies du fait de leur similitude en termes d’environnement floristique et de ressources pollinifères. Un certificat vétérinaire a été établi afin d’attester du bon état sanitaire des colonies au moment du démarrage de l’expérimentation.
Les quatre espèces végétales retenues pour l’expérimentation sont le sainfoin, la phacélie, le mélilot blanc et le trèfle hybride. Elles sont toutes les quatre autorisées dans le cadre de la réglementation jachères agronomiques Pac et déjà reconnues pour leur intérêt apicole. Les 27 ha semés par six agriculteurs locaux sont structurés en 25 parcelles regroupées dans un rayon de 1,5 km autour du rucher d’Orville.
Les conditions sèches de 2005 ont permis de constater la grande résistance du sainfoin et du mélilot au manque d’eau, ainsi que leur très bonne adaptation aux conditions pédologiques locales. Si, comme prévu, ces deux espèces n’ont pas significativement fleuri en 2005, la phacélie et le trèfle hybride ont proposé des floraisons plus ou moins fréquentées par les butineuses : jusqu’à 30 abeilles/m2 sur phacélie en juin, et 3 à 4 butineuses/m2 sur trèfle hybride en juillet 2005.
En 2006, la phacélie, ressemée naturellement, a fleuri de manière plus étalée qu’en 2005, proposant nectar et pollen à partir de la première moitié de mai et pendant une longue période sur le mois de juin. Le sainfoin est arrivé à fleurs aux environs du 15 mai, pour trois semaines. Dès sa fin de floraison, c’est le mélilot qui a pris le relais, avec une floraison dès le 15 juin pour les premières fleurs jusqu’aux environs du 10 juillet. En conditions favorables, plus de 10 butineuses/m2 étaient observées dans le mélilot. Comme en 2005, le trèfle hybride a de nouveau souffert de la sécheresse en 2006, ne proposant que peu de nectar aux butineuses, qui l’ont donc peu fréquenté. Enfin, après les floraisons de sainfoin et de mélilot, une partie des parcelles de ces deux espèces ont été broyées, afin d’évaluer leur capacité à fleurir une deuxième fois (remontée à fleurs).
On observe une augmentation de la population d’abeilles adultes dans les ruches dès le début de la floraison de la phacélie et du sainfoin, et ce jusqu’à fin mai dans des conditions météo plutôt favorables. Sur le mois de juin, une longue période sans précipitation a nuit à la nectarification et à la production des fleurs de trèfle hybride et mélilot. Les conditions caniculaires de juillet ont été extrêmement défavorables pour la production des plantes à fleurs (nectar, pollen) et expliquent une baisse de la population adulte à partir de juin, d’ailleurs qualifié par les apiculteurs de « trop sec ».
Sur la zone d’expérimentation d’Orville, avec la floraison optimale des couverts de phacélie, sainfoin et trèfle en mai/juin, on a récolté en 2006, avec les conditions météo connues cette saison, des quantités de miel significativement surpérieures à celles de 2005. Sur la zone témoin, la première récolte de miel enregistrée montre une récolte similaire à celle de 2005.
Les conditions météorologiques et les floraisons de jachères apicoles du printemps 2006 expliquent l’évolution : bonne récolte en début de période, chute par la suite. La météorologie de mai et la floraison qui a suivi ont permis une récolte de pollen importante sur le site jachères apicoles d’Orville, avec une grande différence de poids par rapport à la zone témoin.
Enfin, les prélèvements de pollen sont réalisés dans les trappes à pollen. Il s’agit donc en majorité de pollens mélangés, qui ont été analysés pour tester leur qualité nutritive. Les analyses réalisées par les scientifiques de l’université de Gand (Belgique) révèlent que tous les pollens collectés sont de très haute qualité nutritive.
Ainsi, dans des conditions climatiques normales et favorables, l’intérêt de couverts de jachères apicoles pour les colonies d’abeilles est établi.
Le professeur Jacobs est directeur du laboratoire de zoophysiologie de l’université de Gand en Belgique. Ses recherches portent sur la physiologie et les pathologies des abeilles. Il travaille en relation directe avec les apiculteurs belges depuis plus de trente ans.
Sur quel aspect de la vie des abeilles portaient vos derniers travaux au laboratoire de Gand ?
Nous avons étudié les impacts de la variété sur la qualité nutritive du pollen des mélanges de jachères apicoles et leurs conséquences sur la santé des abeilles. La qualité du pollen est un facteur primordial au bon développement de la ruche : il est l’aliment exclusif des jeunes abeilles et doit être disponible au bon moment.
Que pensez-vous de l’expérience française des jachères apicoles ?
Les premiers résultats sont encourageants et une chose est sure : pour ce qui est de la richesse du pollen en général, les ruches situées dans une région où les sources sont diversifiées ne peuvent se porter que mieux. La complémentarité entre l’agronomie et l’apiculture est de plus en plus importante.