“Nous n’avons pas les mêmes objectifs. Mais tout le monde a à y gagner, insiste-t-il. La biodiversité peut favoriser l’économie agricole. Au niveau touristique, avec des circuits alliant mémoire, culture, nature et produits du terroir. Avec des incidences immédiates pour les agriculteurs de l’agro-tourisme.” Sans oublier, les retombées économiques obtenues par l’augmentation d’auxiliaires qui trouvent refuge dans des zones de biodiversité. Des atouts déjà utilisés par de nombreux arboriculteurs qui plantent des haies afin de limiter les invasions de pucerons ou de psylles du poirier. Pour certains, les mesures agro-environnementales qui compensent le travail fourni ou les rendements moindre constituent une part de revenu non négligeable. L’équilibre est à trouver entre des agriculteurs aux marges financières toujours plus réduites et des mesures agro-environnementales au financement de plus en plus sélectif, faible et non sécurisé. Guillaume Seguin, responsable de la Chambre d’agriculture de l’Aisne, pronostique que la biodiversité sera demain un des pôles de revenu des agriculteurs. “Participer à la biodiversité, c’est aussi l’occasion de prouver le rôle responsable de la profession agricole dans la gestion de l’espace”, ajoute-t-il.
Fini le temps des attaques frontales. Voici celui de la recherche d’efficacité. “Dans certains sites, comme la moyenne vallée de l’Oise, les actions engagées depuis trois ans sur les prairies inondables donnent des résultats intéressants”, constate Catherine de Saint-Rat du conservatoire. Seize mâles râles des genêts, oiseau en voie de disparition au niveau mondial, ont été comptabilisés. “Nous informons les agriculteurs de la présence du râle sur leur parcelle et les sensibilisons. Les agriculteurs ne connaissent pas toujours la richesse de leurs parcelles.” Les Chambres d’agriculture participent à la coordination des actions. 600 ha de la moyenne vallée de l’Oise ont été contractualisés dans le cadre des CTE, contrats territoriaux d’exploitation, par 19 exploitations. Suivis par 1 230 ha de prairies dans le cadre de contrat d’agriculture durable “biodiversité”. Un enjeu de taille dans une zone qui abrite 65 espèces de flores remarquables dont 41 exceptionnelles à rares et deux menacées.
Les échanges entre les structures de l’environnement et de l’agriculture se mettent en place. Les Chambres d’agriculture de l’Aisne et de l’Oise ont accueilli des stagiaires du Conservatoire pour l’opération “Réseau de sites, réseau d’acteurs”. L’idée est de mailler le territoire pour créer des corridors biologiques (haies, bandes enherbées, bosquets). En utilisant les outils de financement existant au niveau agricole (gestion du territoire, Cad…). Le conservatoire met aussi la main à la poche avec des fonds propres, régionaux, français et européen. Dans certains sites, il construit les infrastructures pour que les éleveurs puissent laisser leurs animaux. Comme les clôtures et le parc de contention pour bovins au grand marais de Mauregny-en-Haye, dans l’Aisne et les barrières pour le pâturage des chèvres à Eclusier-Vaux dans la Somme. Il envisage l’embauche d’un berger itinérant (voir encadré ci-dessous). Tout est à inventer pour que la devise du conservatoire “connaître, protéger, gérer, valoriser” soit celle des agriculteurs. Ils sont nombreux à être prêts si les aides financières suivent.
Quel rapport entre le criquet ensanglanté, le triton alpestre, le gorge bleue à miroir blanc, le rossolis à feuilles rondes – plante carnivore qui capture les insectes grâce à ses feuilles rondes munies de poils rouges gluants – la bruyère à quatre angles ou la germandrée des montagnes ? Il s’agit d’animaux ou de plantes remarquables présents sur les sites du conservatoire des sites naturels de Picardie.
Au total, 425 espèces végétales picardes sont menacées. Dont 101 en danger d’extinction et 80 vulnérables. La moitié sont présentes dans les sites gérés par le conservatoire picard.