Le sol est un milieu complexe. D’une profondeur de 0 à 2 mètres en climat tempéré, il a une double origine : minérale et organique. Dans cette fraction ; sont comptés la matière organique morte et les organismes vivants.
Le sol est poreux avec 30 à 60 % de vides, où circulent de l’air et de l’eau. Les proportions de ces différents éléments évoluent en permanence sous l’effet des actions culturales, du climat, de la faune et des racines des plantes. Leur combinaison confère au sol des propriétés physico-chimiques particulières. Cette action, très lente dans les horizons profonds du sol, est beaucoup plus rapide sur les horizons de surface. Toute intervention humaine peut donc avoir des impacts rapides, qu’ils soient positifs ou négatifs.
Une intense activité sous nos pieds
Dans un mètre carré de sol de prairie permanente vivent en moyenne 260 millions d’êtres vivants, soit 1,5 t, l’équivalent en poids de deux vaches sous terre. Les habitants du sol assurent un recyclage hors pair. Ils décomposent la matière organique, libérant les éléments minéraux nutritifs nécessaires au développement des racines et à la croissance des végétaux. C’est la minéralisation.
De plus, ils mélangent le sol améliorant ainsi son aération, sa texture et sa structure. Ces activités ne sont pas seulement essentielles au fonctionnement des écosystèmes naturels ; elles constituent également une ressource importante pour la gestion durable des systèmes agricoles en améliorant la santé des végétaux.
Certaines pratiques agricoles peuvent perturber considérablement cette vie souterraine et par là même la minéralisation de l’humus. Les labours profonds et des interventions mécaniques répétées sur le sol éliminent les plus gros individus tandis que cette aération induit une minéralisation de l’humus supérieure à sa capacité de formation. Des sols laissés nus en hiver, après les moissons, n’offrent plus de protection. Par ailleurs, l’emploi de certains produits phytosanitaires ou l’épandage des lisiers, des fumiers ou des boues de stations d’épuration peut modifier l’équilibre de la faune du sol. N’échappant pas à la loi du plus fort, certaines espèces disparaissent ainsi au profit d’autres, plus robustes, introduites avec les apports. Avec la disparition de l’humus et la perturbation de la vie du sol, la stabilité des sols diminue, et ceux-ci deviennent plus sensibles aux tassements, compactions et inondations.
Argile et humus : stabilité du sol
Parmi les différents éléments minéraux présents dans le sol, les argiles, particules les plus fines, s’associent à la matière organique du sol (l’humus) pour former, sous l’action stabilisatrice du calcium, le complexe argilo-humique. Celui-ci est un pilier de l’architecture du sol, lui permettant de résister aux agressions climatiques, améliorant la capacité de circulation et de stockage de l’eau ainsi que la rétention et la redistribution des éléments minéraux nécessaires aux cultures.
La structure en feuillet des argiles confère au complexe une puissante charge négative qui attire les nombreux cations libres de la solution du sol (Ca2+, K+, H+, Na2+, etc.). Le complexe argilo-humique est ainsi un véritable réservoir d’éléments nutritifs pour la culture qui échange en permanence des ions avec la solution du sol environnante. La mise en réserve ou la libération des éléments nutritifs peut être biologique, sous l’action des microorganismes du sol ou chimique. La profondeur et l’importance de ce phénomène varient selon le climat et le pH du sol. En sols neutres et alcalins, le calcium Ca2+ joue le rôle majeur de ciment entre les feuillets d’argile et entre les particules d’argile et l’humus. En sols acides ou décalcifiés, le calcium est remplacé par l’hydrogène H+ qui, au contraire, est un élément de dispersion, accentuant les phénomènes de compaction, d’asphyxie…
Agriculture : préserver le potentiel sol
Le sol est bien souvent menacé par une perte de matière organique, tassement, érosion… mais peut être préservé par certaines pratiques agricoles, regroupées sous le nom “d’agriculture de conservation”. Elles sont fondées sur :
– un non-labour qui évite la minéralisation trop rapide de l’humus et une perturbation de la vie biologique du sol ;
– une restitution des résidus de culture au sol, recharge en matière organique et un couvert végétal permanent restructure le sol par ses racines et évite l’agression d’un sol nu par le climat, ce qui limite l’érosion ;
– une rotation équilibrée alternant des cultures d’été et des cultures d’hiver.
Ces techniques dites “simplifiées” n’en portent que le nom : elles impliquent une surveillance accrue des adventices et du développement des ravageurs comme les limaces ou les mulots qui prospèrent dans les résidus de cultures.
Cela nécessite de se recentrer sur l’agronomie. L’ensemble de ces pratiques est applicable à presque toutes les cultures – céréales d’hiver, de printemps, maïs, tournesol, pois de printemps, colza – si le sol le permet, à l’exception de la pomme de terre et de la betterave.