Se mettre aux vers

3 juillet 2007 - La rédaction 
Relancer un processus biologique vertueux sur ses terres. Tel est l’objectif de Jacky Berland, agriculteur en Vendée. Tout commence donc par le sol. En meilleure forme, il portera ensuite des cultures plus vigoureuses.

Devinette : Quelle est la différence entre un blé implanté après un labour et un blé en semis direct ! Réponse : Et bien le blé en semis direct n’est tout simplement pas aligné. C’est tout. En revanche… quand on passe au niveau du sol, là, la différence est netteGrâce au non-travail du sol, à la couverture permanente par les végétaux et à la rotation des cultures, le sol est préservé, structuré. Les blés témoignent d’un bon enracinement.

Ma cabane à lombrics

C’est un peu une histoire de cabane au Canada… pour vers de terre. Un concept d’ailleurs présenté par les Québécois… Attirés par les résidus de culture déposés sur le sol, les vers remontent en surface, puis entraînent ces débris dans les premiers centimètres, formant une sorte de cabane en paille recouverte de terre. Leurs allers-retours dans le profil du sol vont ensuite entraîner petit à petit en profondeur cette matière organique. Décomposée, agglomérée à l’argile, elle va restructurer la zone colonisée par les racines des cultures. Du tout bénéfique. Mais bien évidemment pour que ces travailleurs du sol soient efficaces, il ne faut pas les perturber, ne pas être pressé, prendre le temps de la réflexion, expérimenter, oser. Et surtout revoir son schéma de pensée. Tout part donc du lombric, puis ensuite de la date de la récolte pour ne pas abîmer les sols. Jacky Berland ne parle pas de date, mais de stade physiologique des cultures. “Je construis mes itinéraires culturaux à rebours, avec un seul objectif : ne jamais laisser le sol nu afin de l’alimenter continuellement en matière organique. Après, j’ajuste selon les paramètres liés à la culture.” C’est ainsi qu’en zone irriguée, il programme quatre cultures sur deux ans : maïs, blé, sarrasin, avoine (voir encadré). Les trois premières sont commercialisables, la dernière est détruite au printemps avec du glyphosate. En zone non irriguée, il découpe sa surface en quatre blocs, blé, tournesol, blé, colza, qu’il fait tourner chaque- année. Il préfère alors le nyger comme culture intermédiaire. C’est un couvert de fin d’été, étouffant pour les mauvaises herbes. Les premières gelées le détruiront naturellement.

Le revenu qu’il dégage à l’hectare entre aussi dans le choix de son assolement car il reste avant tout un chef d’entreprise. “L’agriculture de conservation m’a séduit, mais je n’aurais pas adopté cette technique si je perdais de l’argent. Il se trouve que mon rendement est aussi bon que la moyenne locale et en plus j’ai réduit mon poste de charge… alorsNe pas forcer la main au sol

Alors cela ne s’est quand même pas fait sans un minimum de travail pour acquérir l’expertise. Il lui a fallu deux ans. Deux années pendant lesquelles il a lu tout ce qui devait l’être, expérimenté tout ce qui était à sa portée pour maîtriser le concept et l’adopter à la situation de son exploitation. 77 ha dont 51 sont conduits en irrigation. Des terres homogènes mais de type argilo-calcaire caillouteux. Des terres collantes, où il fallait broyer chaque année les pierres. Des terres qui reçoivent comme apport organique le lisier de son atelier de porcs.

Il a commencé sa conversion avec un néo-déchaumeur sur les parcelles non irriguées. L’outil composé de dents et de disques travaille très superficiellement la surface du sol, découpe et mélange les pailles. La terre ainsi travaillée recevait ensuite les graines. Puis la technique a été appliquée sur toutes les parcelles. Trois ans après, il vendait sa charrue et expérimentait le semis direct. Deux types d’outils sont alors utilisés. Un semoir à disques de type Unidrill pour les céréales par exemple-. L’outil ouvre un léger sillon et dépose la graine. Le semis à la volée avec le DPS12 Nodet convient pour le blé et bientôt le colza et autres couverts. Après chaque semis, il broie les pailles du précédent cultural puis réalise un roulage pour bien mettre en contact ce mulch avec la graine et le sol.

Côté charges, le poste désherbage n’a pas augmenté. Si, dans certaines situations, il doit calmer ou détruire les couverts végétaux avec un passage de glyphosate, il note, globalement, moins de mauvaises herbes ensuite pendant le cycle végétatif des cultures, donc moins de passages en conséquence. Il trouve aussi ses cultures en meilleure forme, mieux armées pour affronter les maladies. En moyenne, il dépense en blé, 144 euros par ha en intrants dont 78 euros pour les traitements. La dépense en désherbage représente alors 58 euros par ha. Ce qui porte le coût de production du blé, après aides Pac, à 8 euros du quintal pour un rendement de 80 q/ha et des charges de structures de 820 Ä/ha.

En maïs, c’est l’augmentation de la capacité de rétention de son sol en eau qui lui semble, au-delà de l’impact sur les charges, un atout à mettre en avant. Grâce à la matière organique qui restructure le sol, l’eau circule mieux et reste aussi plus longtemps disponible pour les racines.

Toujours expérimenter

La preuve sur le terrain. Réunion sur les parcelles conduites en semis direct. Parmi l’assemblée : une majorité d’agriculteurs laboureurs sensibilisés à cette technique sans travail en profondeur du sol.

Pour aller plus loin, il a mis en place en 2002 un CTE sur le thème de l’agriculture de conservation. Objectif : adopter progressivement toutes les techniques qui améliorent la qualité des sols, y compris celles qui limitent les pollutions diffuses. “Je savais où je devais aller pour concilier mes objectifs de production et le respect de l’environnement.” Membre du réseau Base(1), référent agriculture de conservation pour son Geda (Groupe d’étude et de développement agricole), il souhaite aujourd’hui aller plus loin pour convaincre un maximum d’agriculteurs. Alors il n’hésite pas à organiser des journées de visite sur ses terres, participer à des colloques, à des formations.

Et investit dans la recherche. Son labo ? Et bien ce sont ses champs. “J’estime, comme toute entreprise, devoir consacrer une part de mon chiffre d’affaires à des expérimentations. Réserver quelques bandes de terres à ses propres essais est à la portée d’un agriculteur.” Alors cet hiver il va essayer le semis de blé dans du trèfle d’Alexandrie, réaliser des mélanges de plantes – légumineuse et nyger par exemple – pour les couverts, tenter de se passer le plus souvent possible du glyphosate, chercher d’autres rotations qui s’inscrivent dans un processus biologique vertueux. Pour plus d’agronomie, plus d’écologie et plus de productivité. “Mon leitmotiv est d’inscrire mon entreprise dans un système de production rentable, durable et transmissible”, conclut-il.

(1) En France le réseau Base (295 agriculteurs adhérents) réunit les agriculteurs, techniciens, scientifiques, politiques et citoyens autour d’un projet global sur l’environnement.

Début avril
Semis maïs
sur sol ressuyé.
Variété à indice
précoce

Début oct.
Récolte maïs

Mi-octobre
Semis blé
à la volée
Broyage fans
de maïs
Roulage

Fin juin
Récolte blé,
paille à 50 cm.
Les pailles
trop courtes
gênent l’entrée
de la graine
lors du semis.

Début juillet
Semis sarrasin
Broyage paille.
Roulage
Arrosage

Début à mi oct.
Récolte Semis

Fin oct.
Semis
d’avoine

Fin février
Destruction de l’avoine

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