“Le regard de la société porte désormais jusqu’à l’intérieur des filières de production.” |
La montée en puissance de l’agriculture biologique, la réduction de la fréquence de traitement des cultures-, accompagnée du retrait progressif de 53 molécules classées dangereuses, la loi sur les OGM assortie d’une clause de sauvegarde en attendant son vote, la certification haute valeur environnementale des exploitations, la constitution de la trame verte, l’allégement énergétique des exploitations et l’intensification de la recherche constituent les points forts de cette feuille de route. Reste toutefois à poser le comment. Comment fait-on techniquement pour atteindre ces objectifs, comment concilier les contraintes supplémentaires et la viabilité des exploitations? Quel financement pour les principales mesures ?
La réponse politique se place plus sur le principe du « placement à long terme », si l’on en croit Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie et grand artisan du Grenelle, qui a défendu un « budget de transition positive » expliquant que « les grandes décisions de l’après-Grenelle ne sont pas encore impactées ». Il a appelé à cesser de raisonner en termes de coûts. « Le Grenelle va nous faire entrer dans une logique d’investissements à l’horizon de trente, quarante ou cinquante ans, a-t-il prévenu. Il est plus rentable de quitter la société du gâchis pour aller vers une société du durable.»
La gouvernance au cœur des interrogations
Le Grenelle de l’environnement, processus inédit de concertation entre l’état, les ONG environnementales, le patronat, les syndicats et les collectivités locales a mis en évidence une question fondamentale : celle de la gouvernance.
Jean-Louis Borloo a missionné Corinne Lepage, présidente de Cap 21, pour réfléchir sur ce dossie ; mais il est clair que le regard de la société porte désormais jusqu’à l’intérieur des filières de production. La politique environnementale se décentralise. Les acteurs du monde agricole devront dorénavant compter les associations écologistes comme des partenaires environnementaux à part entière. Et ceux-ci devront intégrer la réalité de leurs métiers et de leurs contraintes.
Plus de transparence oui, mais sans remettre en cause, là encore, la mission de l’agriculteur, sans fragiliser son équilibre économique, sans casser le fonctionnement des filières. Les coopératives se sont prononcées favorablement pour dissocier l’acte de conseil et l’acte de vente d’intrants, au nom de cette transparence et de l’indépendance, en s’engageant dans la certification de leur profession. Michel Barnier les a toutefois engagées à aller plus loin, lors de l’assemblée de Coop de France, le 29 novembre à Paris, en souhaitant que leurs salariés « s’engagent sur une réduction d’intrants ».
Pascal Ferey, vice-président de la FNSEA, a bien insisté, en marge des discussions du Grenelle et face aux caméras : « Les agriculteurs sont d’accord pour diminuer les utilisations mais pas à n’importe quel prix. Sinon ce sera l’impasse ». Il rappelle à tous que seuls, les agriculteurs ne pourront pas répondre à ce défi écologique et économique : « Il faut que la recherche se mobilise, publique et privée ». Un soutien plutôt sur le long terme.
Quinze programmes vont préparer la loi
à plus court terme, le calendrier d’application du Grenelle de l’environnement est calé et des dossiers vont aboutir dès 2008. Les quinze programmes opérationnels arrêtés le 25 octobre sont mis en place sous la responsabilité de 34 comités de pilotage opérationnels, qui ont démarré avant la mi-décembre, certains d’entre eux devant présenter des projets de textes législatifs.
Pour avancer rapidement sur le plan de la réduction de l’usage des pesticides, un groupe de quinze experts travaille sous la présidence de Guy Paillotin. Cinq axes ont été définis par le ministre : les indicateurs de suivi ; l’évaluation des marges de progrès ; la mobilisation de la recherche; le renforcement des réseaux de surveillance (à un moment où le service de la protection des végétaux se retire région après région des avertissements agricoles) et, enfin, la capacité à diffuser les pratiques sur le terrain. Ce dernier point se focalise sur la formation des agriculteurs et la « professionnalisation des métiers de la distribution et du conseil phytosanitaire autour d’un objectif de certification ».
Loi sur les OGM pour février ?
Le rythme de travail de l’après-Grenelle est soutenu. « La machine avance plus vite que nous l’avions prévu », a lâché Jean-Louis Borloo, fin novembre. Un premier paquet de textes législatifs, dont la loi sur les OGM approuvée en conseil des ministres le 19 décembre ou les normes dans le bâtiment, sera ainsi adoptée avant le 9 février. Ce paquet devrait également inclure le système de bonus/malus sur une vingtaine de familles de produits.
Un second paquet de textes législatifs sera soumis au Parlement en avril, après les élections municipales. Jean-Louis Borloo a également tenu à installer un comité de suivi annuel : « Nous regarderons les écarts entre ce qui a été prévu, ce qui a été réalisé et ce qu’il faut accélérer, ajuster ou modifier ».
Les références viennent aussi du terrain
Les actions engagées bien avant ce grand rendez-vous politique deviennent source d’inspiration. Parfois expérimentales, ou déjà largement adoptées, certaines mesures vont être prises en compte dans la mise en forme des propositions du Grenelle, comme celles développées par la LPO et ses 192 fermes pilotes dans la reconquête de la biodiversité ou celles réalisées par les fermes qualifiées agriculture raisonnée.
De ces travaux découlera un projet de loi d’orientation et de programmation qui devrait être présenté au Parlement en janvier ou février pour une loi-cadre mi-2008.
Il y a donc les objectifs, les souhaits. Il y aurait des moyens… Mais il y a surtout la réalité du terrain. Pour l’après-Grenelle, ce que ne veulent pas les agriculteurs, c’est une usine à gaz.
Les orienter vers plus de gestion administrative et les dévier de leur vocation fondamentale de production serait une erreur. Le concept « agriculture durable » ouvre la bonne porte.