Une bonne dose de discipline

22 février 2008 - La rédaction 
La maîtrise de l’eau constitue un objectif prioritaire dans une zone agricole aride. En adoptant des pratiques qui respectent cette ressource naturelle, Jean-Marc Astruc, viticulteur, vit en harmonie avec son terroir. Il gagne en efficacité et en qualité 
dans son travail.

Au milieu des splendides paysages des Corbières, entre Narbonne et Perpignan, Jean-Marc Astruc exploite 35 ha de vignes. La ressource en eau de ce terroir aride, alimenté par des sources au débit très irrégulier, est fragile. Elle doit être préservée. C’est en plaçant cet enjeu environnemental au cœur de ses pratiques que Jean-Marc Astruc a adopté une vraie discipline de travail. Son métier a aussi plus d’envergure. Il se considérait auparavant comme un producteur, il se voit aujourd’hui comme le gestionnaire d’un territoire. Une belle responsabilité, d’autant qu’il est engagé avec sa coopérative dans une démarche de qualité.

En préservant l’eau sur son territoire, Jean-Marc Astruc, viticulteur dans l’Aude a adopté une vraie discipline de travail.

Économisez l’eau… et faites des économies de temps !
Préserver la quantité d’eau passe d’abord par l’utilisation de matériel de pulvérisation de qualité, équipé par exemple de buses antigoutte. Jean-Marc Astruc a aussi décidé d’économiser l’eau en limitant au maximum le rinçage de la cuve de son pulvérisateur. Pour laisser le moins de résidus possible, il traite ses dernières rangées sur des parcelles pentues, pour que subsiste le moins de produit possible dans la cuve. Et comme il utilise des produits compatibles entre eux, il peut se permettre d’en laisser quelques grammes dans la cuve avant de la pré-rincer en la remplissant de 800 litres d’eau dans l’attente de la prochaine préparation. « De la sorte, je ne suis pas obligé de nettoyer ma cuve après chaque traitement. Comme je n’utilise pas de soufre mouillable, qui ferait de la pâte et boucherait le pulvérisateur si je ne le vidangeais pas, je peux me permettre cette souplesse », précise Jean-Marc Astruc. Ce n’est finalement qu’au terme de trois jours de traitement qu’il rince son pulvé. Avant de limiter ainsi les opérations de nettoyage, Jean-Marc Astruc estime qu’il devait utiliser facilement 200 à 300 litres d’eau après chaque traitement. Le gain est donc net…

L’aire de rinçage du pulvérisateur est bétonée,
l’eau s’évacue alors vers une cuve.

Le pulvérisateur est lavé sur l’aire de remplissage, là où l’eau s’écoule dans une cuve souterraine de récupération. En fin de campagne, il y pompe environ 200 litres de produits très dilués qu’il épand ensuite sur les bandes enherbées qui servent d’ultime filtre. Si cette aire de remplissage a constitué un investissement au début, Jean-Marc Astruc considère qu’elle lui a rapidement permis des économies de gestes et donc de temps.

Des pratiques disparues

Autre moyen d’économiser l’eau : réaliser des traitements des plantes plus précis. Pour piloter au plus juste, il utilise des panneaux récupérateurs qui confinent la pulvérisation. « C’est pratique avec les petites végétations, seules les parties à traiter sont atteintes, les produits ne partent pas dans l’air », explique Jean-Marc Astruc. Un procédé qui, estime-t-il, lui permet d’économiser environ un tiers de dose de traitement par rapport à ce qui est préconisé.
Le palissage des vignes constitue également un bon moyen de mieux maîtriser les applications de produit : la végétation étant mieux disposée, elle est mieux traitée. Le palissage est aussi un procédé prophylactique efficace : les grappes sont mieux exposées au soleil et subissent donc une moindre pression de l’oïdium. Plus généralement, la démarche raisonnée a fait réapparaître des pratiques qui avaient un peu disparu, comme l’enherbement en bordure de parcelle, dans la mesure du possible dans cette zone aride. « Nous ne sommes pas en Alsace ici », note avec le sourire le père de Jean-Marc Astruc, à la retraite, venu prêter main-forte pour tailler la vigne. Les bandes enherbées autour des parcelles limitent l’écoulement des produits phytosanitaires, donc les pollutions résiduelles. Également sensible au paysage et à la biodiversité, Jean-Marc Astruc a planté cyprès et oliviers en bordure de ses parcelles et a construit des murets en pierre qui servent de lieu de nidification pour les oiseaux.
Cet ensemble de mesures, liées à un meilleur raisonnement des pratiques, a représenté un surcoût non négligeable. Mais comme l’objectif de qualité a été atteint, le coût d’entretien des bonnes pratiques a pu être reporté en grande partie sur le prix de vente. Avec en prime le sentiment d’être dans le vent du développement durable et de ses trois piliers : économique, social et environnemental.
Cette démarche exige une bonne dose de discipline collective au sein de la coopérative, mais au final, Jean-Marc Astruc affirme s’y retrouve. « Il s’agit avant tout de travailler avec nos atouts pour maintenir la rentabilité de nos exploitations. Aujourd’hui, je ne pourrais plus revenir en arrière », conclut-il.

L’exploitation

 />Située à Tuchan (Aude), entre Narbonne et Perpignan.<br />
35 ha de vignes dont : 25 ha en AOC Fitou, 5 ha en AOC Corbières, 3 ha en AOC Muscat de Rivesaltes et 2 ha en vin de pays.<br />
Jean-Marc Astruc s’est installé en 1981.</p>
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<table cellspacing=  Coût Faisabilité Biodiversité Peu onéreux (1) Facile (2) Protection de l’eau Moyennement onéreux Réalisable Protection des sols Moyennement onéreux Facile Réduction des intrants Peu onéreux Réalisable Raisonnement des pratiques Peu onéreux Difficile (3) Sécurité sanitaire Peu onéreux Réalisable

(1) Plus cher quand construction de murets de nidification par exemple
(2) Si consiste juste à raisonner les produits
(3) Nécessite une formation pour acquérir les compétences

Préserver la qualité et l’environnement au niveau d’un territoire

Depuis 1998, Jean-Marc Astruc préside aux destinées de la cave du Mont Tauch, coopérative vitivinicole de 270 adhérents répartis sur les communes de Tuchan, Paziols, Villeneuve et Durban, dans l’Aude. Situés dans des zones arides, difficiles à travailler, les viticulteurs du Mont Tauch misent naturellement sur de faibles rendements et des productions qualitatives. Une démarche qui a conduit cette coopérative à adopter en 2001 le cahier des charges de Terra Vitis, puis la qualification « agriculture raisonnée » en 2004. Objectif : développer une harmonie entre terroir, qualité et environnement ; raisonner les pratiques pour que le sol donne le meilleur de son potentiel et valoriser les produits de la vigne auprès des consommateurs. La coopérative travaille directement la mise en marché avec la grande distribution et se trouve donc en première ligne pour répondre aux cahiers des charges des enseignes.
Avec plus de 100 viticulteurs qualifiés en agriculture raisonnée (correspondant à 85 % des surfaces totales de la coopérative), la cave du Mont Tauch enregistre un très bon score : un vigneron français sur cinq qualifié en agriculture raisonnée en fait partie !
« Nous avons donc opté pour le raisonné, ce qui se traduit notamment par le choix de ne traiter qu’en cas de nécessité., explique Jean-Marc Astruc. Une économie de passages qui nécessite des produits performants, impossibles à utiliser en bio… »

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