UN « STOCK » D’EAU PAR IRRIGANT, FONCTION DE LA RESSOURCE
Le principe est simple : « Nous disposons en début d’année d’un volume d’eau disponible. À charge pour nous de l’utiliser au mieux. Nous dosons nous-mêmes. Et c’est important, car à certaines périodes critiques de la croissance de la plante, nous ne pouvons vraiment pas stopper l’irrigation », explique Benoît Proffit. « Mais dès que l’eau disponible dans les nappes ou les cours d’eau passe sous un certain seuil, notre quota peut être réduit de 20 %, puis de 50 %. À l’extrême, l’irrigation peut être interdite ». La première estimation, le 1er avril, vient d’avoir lieu. Le niveau atteint était juste en dessous du premier niveau. Pas de quoi justifier une diminution du quota, mais une alerte prise au sérieux. L’enjeu est important : sur les 220 hectares que cultive Benoît Proffit, 100 ha sont irrigués (maïs, orge de printemps, semences…). Mais ce système lui paraît moins risqué que ce précédent, où les arrêtés préfectoraux d’interdiction pouvaient arriver aux moments les plus cruciaux pour les cultures.
Pour se doter d’une marge de sécurité supplémentaire, Benoît Proffit étudie avec quelques voisins la possibilité de créer une rétention d’eau. « Avec 500 000 m3 nous pourrions augmenter de 10 % le volume disponible sur le bassin-versant. Et nous envisageons de récupérer l’eau de la laiterie proche, voire de stations d’épuration. » Cette fois, l’idée vient des agriculteurs eux-mêmes, qui sont confrontés à leur tour à la difficulté d’établir l’indispensable consensus. Entre eux, tout d’abord. Car tous n’en tireraient par directement profit. Mais aussi avec les pouvoirs publics.
LA CLE EST DANS LE CONSENSUS
Yvon Beuchon, conseiller général, président de la CLE, entendez la Commission locale de l’eau, reste réservé sur ce projet de rétention. Davantage d’artificialisation des paysages ne va pas dans le bon sens, estime-t-il. « Nous devons reconstituer partout des réserves d’eaux naturelles, maintenir les zones humides, reconquérir des kilomètres de haies… Mais en même temps, l’agriculture est une vraie richesse pour nos territoires », reconnaît-il. Bref, la question n’est pas tranchée. Même si, au final, il pense que le Conseil général contribuera à ce projet. Les liens tissés au fil des réunions à l’échelle du bassin-versant ont permis de mieux comprendre les attentes des uns et des autres, et d’éviter les jugements à l’emporte-pièce.
Car trouver les points de consensus relève parfois de la gageure. « C’est un travail compliqué et passionnant. Chaque acteur a des intérêts propres, d’où parfois la lenteur de certaines décisions », résume Vincent Cadoret, animateur du Sage et cheville ouvrière du projet sur le bassin Yèvre-Auron. Jeune ingénieur, spécialiste de l’hydrologie, il allie l’indispensable connaissance technique à une bonne capacité d’écoute. Lorsqu’il arrive en 2006, le dossier se situe entre la phase d’analyses et celle de définition des actions. « Le seul consensus à l’époque était sur le rejet de l’étude de gestion volumétrique, dont la méthodologie était contestée. Nous avons donc repris cette étude et identifié les points techniques défaillants, se souvient-il. Restait ensuite à acquérir la volonté politique. » Elle se dégageait au fil des rencontres dans différentes commissions thématiques. Celle dédiée à la gestion quantitative regroupe des représentants du syndicat des irrigants, de la chambre d’Agriculture, de l’association Nature 18, des pêcheurs, de l’Onema, de la Diren et de la MISE du Cher. Des commissions techniques, plus restreintes, sont également nommées pour avancer sur les questions pratiques. Le Conseil général est maître d’ouvrage, un passage obligé pour gérer et rendre compte des fonds mis en jeu.
Le contrôle volumétrique de l’eau, initié en 2007 sur le bassin Yèvre-Auron, est désormais opérationnel. D’autres étapes sont à venir. Un décret publié en septembre 2007 (2007-1381) permet de créer un organisme unique en charge de la gestion quantitative de l’eau. Il pourrait être testé sur le bassin. Il est aussi question d’étendre le contrôle de la ressource à d’autres zones, et de s’attaquer à la restauration de la qualité de l’eau. Les défis à relever ne manquent pas.
• Le Sage, Schéma d’aménagement et de gestion des eaux, couvre un territoire compatible avec la mise en œuvre d’actions terrain. Il s’insère dans le SDAGE, Schéma directeur à l’échelle d’un grand bassin. • La CLE, Commission locale de l’eau, est une instance de délibération. Elle définit les priorités, fait réaliser les diagnostics, les bilans d’impact et études prospectives et met en œuvre le Sage. Le Conseil général est la structure porteuse du Sage. À ce titre, il assure la responsabilité juridique des actions engagées.
• Les dossiers sont travaillés au sein de commissions thématiques. Pour le Sage Yèvre-Auron : qualité de l’eau, milieux aquatiques, gestion quantitative, valorisation écologique et touristique, gestion hydraulique.
• La MISE, Mission interservices de l’eau du Cher associe les services de l’État et les établissements publics concernés par l’eau. Son animation est assurée par la Direction départementale de l’équipement et de l’agriculture (DDEA) qui a chargé la police de l’eau.
• Les partenaires du Sage
Agence de l’eau Loire-Bretagne, MISE 18, Diren Centre, Conseil supérieur de la pêche, chambre d’Agriculture du Cher, Nature 18, Fédération de pêche, Conservatoire du patrimoine naturel, Syndicat des irrigants.
• Le financement
– Animation et communication :
50 % Agence de l’eau Loire-Bretagne ;
50 % Conseil général du Cher
– États des lieux et diagnostic :
23 %, Europe ;
27 % Conseil général du Cher ;
50 % Agence de l’eau Loire-Bretagne