Un bovin adulte produit en moyenne douze bouses par jour qui sont immédiatement colonisées par les insectes coprophages. Quelques secondes après le dépôt de la bouse, les mouches commencent à affluer, attirées par les composés volatils qui s’en échappent. Elles s’y accouplent et y pondent leurs œufs. Elles sont bientôt rejointes par les coléoptères qui vont assurer le brassage, la dispersion et l’enfouissement de la matière fécale. Une fois la bouse disparue, la faune du sol, les bactéries et les champignons entrent en scène : les lombrics assurent un enfouissement progressif des féces aux couches supérieures du sol, tandis que certaines bactéries ammonifiantes en assurent le recyclage en transformant l’azote organique en azote minéral, assimilable par les plantes. En 12 mois, la bouse s’est désintégrée !
Les bousiers étant des insectes fouisseurs, ils sont outillés en conséquence : leurs tibias sont armés de très fortes pointes, leur excavation du thorax permet un effet de bulldozer, et le chaperon céphalique fait office de pelle et de grattoir.
Une biodiversité qui vaut de l’or
Sans insectes pendant le premier mois suivant ce dépôt, il faudrait compter entre 36 et 48 mois pour voir disparaître la bouse ! En Australie, l’absence d’insectes coprophages indigènes capables de digérer les bouses de vaches, a conduit en 1972 à la disparition d’un million d’hectares chaque année, rendus inutilisables par ces féces non dégradés. Ce problème n’a pu être réglé que par l’introduction de scarabées coprophages d’Afrique du sud et d’Europe. Pendant 15 ans, chaque éleveur a été ainsi amené à débourser un dollar par an et par tête de bétail pour financer ce programme d’introduction. Une manière très directe de prendre conscience de la valeur économique de ces insectes !
Attention, fragile !
En Europe, ces insectes existent naturellement et fournissent le service de recyclage gratuitement. Mais, comme le montrent les études de Jean-Pierre Lumaret de l’université Paul Valéry de Montpellier, cette faune est menacée par les traitements du bétail, notamment les vermifuges dont certaines molécules insecticides se retrouvent dans les féces jusqu’à 100 jours après l’application. Deux alternatives : sélectionner des molécules moins toxiques à celles couramment employées ou bien confiner les animaux sur une parcelle juste après le traitement pour en récolter les bouses de manière à ce que le pâturage ne soit pas entièrement contaminé.
Cet article est basé sur l’article « Safari dans la bouse » de Marc Giraud dans le dernier numéro d’Insectes (Juin 2008 – n°149). L’auteur sera l’invité de Mathieu Vidard dans « La tête au carré », le 11 septembre sur France Inter entre 14h00 et 15h00.