Emeute de la faim – La gouvernance mondiale en question

22 septembre 2008 - La rédaction 
Qui peut aujourd’hui nier que le monde a changé ? Les émeutes de la faim de l’année écoulée ont rappelé d’une manière brutale la fragilité de la ressource alimentaire face à une demande croissante et l’interdépendance des grandes régions du monde.

Les bons résultats de la récolte 2008, au moins dans l’hémisphère Nord, ne peuvent masquer le caractère de plus en plus capricieux du climat, et la nécessité de constituer des stocks de sécurité pour nourrir la planète.

Ressources et consommation alimentaire en 2003 selon les cinq régions du Millennium Ecosystem Assessment
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<p>La question de la gouvernance mondiale est posée avec force. Même si elle ne semble pas entendue par les grands de ce monde. Le sommet du G8, le 8 juillet à Toyado (Japon) reprenait bien la notion de menace pour la sécurité alimentaire mondiale, soulignant la nécessité de mettre en œuvre une stratégie globale. Elle était cependant corrélée à « la suppression des restrictions aux exportations », d’une part, et « la mise à disposition d’une partie de leurs excédents par les pays disposant de stocks alimentaires suffisants pour aider les pays qui en ont besoin ». À plus long terme, le G 8 préconise certes de « mettre fin à la diminution générale de l’aide et de l’investissement dans le secteur agricole », par un soutien accru. Mais cette logique descendante des pays les plus riches vers ceux soumis à la crise alimentaire est-elle suffisante ? En France, le Moma (Mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture), plaide pour une approche globale, tenant compte des spécificités des grandes régions du monde. Ses propositions sont fondées sur la définition de prix d’équilibre par produits agricoles et par grandes zones économiques homogènes. Il plaide pour la constitution de stocks d’intervention gérés par une organisation mondiale de l’agriculture. Concernant la gouvernance mondiale, le Moma propose la création de comités de suivi et de coopération par produit et d’un Conseil de sécurité alimentaire mondial, composé d’une vingtaine d’États, représentant les cinq continents. Il alerte sur « les risques que fait courir la “banalisation actuelle” des politiques agricoles pour l’avenir de l’humanité ».<br />
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« Vers un univers équilibré autrement »

Pour Jean-Hervé Lorenzi aussi, président du Cercle des économistes, la question agricole est centrale. « L’agriculture n’est pas au creux d’un nouveau cycle, mais bien au cœur d’une rupture qui appelle un changement du mode de fonctionnement de l’économie mondiale. Elle en est d’ailleurs emblématique », soulignait-il lors d’une rencontre organisée début juillet par l’association des producteurs Proléa. Les débats, qui semblent aujourd’hui essentiels que ce soit au G8, au FMI, à la FAO ou à l’OMC, seront très rapidement balayés par « un basculement vers un univers équilibré autrement », estime-t-il. Comment ? Impossible à prévoir. Mais il proposait, en compagnie de Erik Orsenna, académicien, quelques voies : investir pour mettre en cultures les 4 milliards d’hectares non encore exploités (dont 500 000 ha en Afrique) ; laisser toute sa place au progrès technologique ; admettre les spécificités des grandes régions de la planète, réguler les échanges.
Et en attendant ? Erik Orsenna, qui s’apprête à publier un ouvrage sur l’eau, souligne l’importance du penser local. « On a réussi à bien gérer l’eau lorsqu’on a trouvé le niveau de l’agence de bassin. » Il défend aussi l’idée de la promotion des « élites paysannes » qui doivent être formées et pouvoir se saisir de leur propre devenir en créant des outils économiques dont elles auraient la maîtrise.

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