Philippe Vannier, directeur de la santé animale et du bien-être des animaux à l’Afssa

6 octobre 2009 - La rédaction 
Facteurs de risques pour les maladies émergentes en Europe, évolution de la politique communautaire de santé animale, partenariat public et privé en matière de solutions médicamenteuses, Philippe Vannier, directeur de la santé animale et du bien-être des animaux à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, dresse le bilan.

Campagnes et environnement : Quels sont les facteurs de risques pour les maladies émergentes en Europe ?

Philippe Vannier : L’Europe est malade du transport de ses animaux vivants. Quand on voit les conséquences, en termes économiques et sanitaires, d’un certain nombre de crises,

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« Il va y avoir une refonte complète au niveau législatif de la politique communautaire de la santé animale. » Philippe Vannier, directeur de la santé animale et du bien-être des animaux à l’Afssa.
(crédits photo : Christophe Lepetit

on en a quelques exemples malheureusement. On peut s’interroger sur la justification de ces transports multiples d’animaux vivants. Concernant les produits végétaux, Maastricht, où a débuté la fièvre catarrhale ovine, est une plaque tournante en matière d’importation de plantes exotiques d’Amérique du Sud, du Sud-Est asiatique et d’Afrique. Les inspecteurs des plantes sont souvent effrayés par les nuages d’insectes qui sortent des paquets. Or, ils peuvent être les vecteurs de maladies animales.
Autres facteurs de risque : l’achat et l’introduction illégale de vaccins vivants contre la FCO en période d’activité vectorielle, commandés via internet, qui peuvent diffuser des souches virales dans la population. Ces achats témoignent d’une absence de responsabilité de certains éleveurs. Il faut clairement remettre en cause ces pratiques qui présentent un haut risque sanitaire.

C&E : Quelles sont selon vous les maladies émergentes qui pourraient éclater en l’Europe ?

P.V. : C’est difficile à prédire, mais il faut considérer comme des menaces avérées les maladies qui évoluent dans les pays voisins de l’Union européenne. La fièvre hémorragique de Congo Crimée, actuellement présente en Turquie, infecte une très forte proportion de bovins et touche chaque année 1 300 cas humains. De manière similaire, la fièvre de la vallée du Rift est également présente dans les pays contigus à l’Europe. Si des bovins infectés par cette maladie sont introduits en Europe, elle a de bonnes chances de se développer puisque les vecteurs susceptibles de la transmettre sont présents dans l’Union européenne.

C&E : Comment la politique européenne en matière de santé animale va-t-elle évoluer ?

P.V. : La Politique communautaire de la santé animale, la PCSA, va être complètement refondue au niveau législatif. Cela se fera sur plusieurs années, mais l’échéance est autour de 2012-2013 au niveau de la DG Sanco, la Direction générale européenne de la santé et de la protection du consommateur.
Les discussions démarrent tout juste. Cette politique communautaire s’appuie sur plusieurs piliers. D’abord, une analyse de risque sur les importations. L’objectif est de cibler les contrôles à l’importation, pour des produits comme les animaux vivants, sur une réelle analyse de risques. Les approches de chaque pays sont actuellement hétérogènes au niveau des postes d’inspection des frontières. Il y a un besoin d’harmoniser et d’envisager de manière plus scientifique les contrôles.
L’autre pilier est la notion d’assurance des éleveurs contre les catastrophes sanitaires. Parmi les points en discussion : le type d’assurance, individuelle ou collective sur le modèle de la caisse mutuelle de santé animale qui a été créée dans le cadre de la FCO mais qui n’est pas réellement opérationnelle en France. De mon point de vue, l’approche collective doit être renforcée, car elle seule peut permettre une certaine maîtrise de l’infection.
Enfin, troisième pilier : la biosécurité pour la protection de chaque élevage au regard de l’introduction d’un agent infectieux. Mais ceci ne suffit pas à empêcher l’arrivée de nouvelles maladies dans un pays. La PCSA ne peut donc s’appuyer uniquement sur cette approche qui reste protectrice seulement à l’échelle d’un élevage.

C&E : Va-t-on mettre en place un système de stocks de vaccins au niveau européen ?

P.V. : Il y a un besoin de vaccins et de réactifs, même pour des menaces qui n’existent pas encore, c’est certain. Le problème à résoudre concerne le manque de visibilité du marché des industriels concernant les maladies émergentes. Cela montre l’importance de l’analyse de risque pour avoir un bilan partagé des risques et des menaces entre les pouvoirs publics et les industriels. Comment y arriver ? Il n’y a pas de solution simple mais il faut en trouver si l’on veut, à l’échelle de notre pays, faire face à de nouvelles émergences similaires à celle de la FCO.

Propos recueillis par Stéphanie Ayrault

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