"Cinq ans pour retrouver la qualité de nos cours d’eau"

2 février 2011 - La rédaction 
Protéger les 500 captages les plus menacés avant 2012, atteindre le bon état écologique pour deux-tiers des masses d’eau françaises à l’horizon 2015. La France s’est-elle donné des moyens à la hauteur de ces objectifs ambitieux ? Le point avec Odile Gauthier, directrice de l’eau et de la biodiversité au ministère en charge de l’Écologie.

Odile Gauthier est directrice de l’eau et de la biodiversité au ministère chargé de l’Écologie

Campagnes et Environnement : La directive-cadre sur l’eau impose un bon état écologique des masses d’eau d’ici à 2015. La France a retenu l’objectif de deux tiers des masses d’eau en bon état. Y parviendra-t-elle ?

Odile Gauthier : La France doit y parvenir et il faut se dépêcher. Tout a été mis en œuvre pour atteindre cet objectif : cadre, mesures et budget. Notre pays est l’un des États membres qui met le plus de moyens financiers pour aboutir aux résultats attendus. Le coût des mesures adoptées par l’ensemble des Sdage 2010-2015, les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, est estimé à 25 milliards d’euros. Mais si nous n’arrivons pas à respecter l’objectif et allons vers un contentieux, cela pourrait nous coûter encore plus cher.

C & E : Chaque comité de bassin versant a adopté son Sdage 2010-2015 voici maintenant un an. Pouvons-nous faire le point sur l’avancée des mesures qui y sont associées, notamment celles concernant l’agriculture ?

Selon Odile Gauthier, le ministère de l’Écologie est tout à fait conscient qu’un changement de modèle agricole exige une à deux générations. « Mais dans le domaine de l’eau, il y a urgence, insiste-t-elle. Une meilleure maîtrise des intrants s’impose. » (Photo : D.R.)

O. G. : Il est un peu tôt pour faire le point puisque les Sdage ont été adoptés fin 2009 et que les mesures démarrent seulement sur le terrain. Mais ces Sdage rassemblent les principales actions agricoles adoptées dans le domaine de l’eau ; ils constituent donc le fil rouge des mesures à appliquer. Certaines sont de portée générale, comme les bandes végétalisées le long des cours d’eau, d’autres sont en revanche territorialisées pour la protection des captages d’eau potable. Ces dernières sont d’ailleurs plus en avance sur le terrain.

C & E : Quels sont, selon vous, les moyens permettant d’aboutir au plus vite à des résultats satisfaisants ?

O. G. : Les agriculteurs doivent se mobiliser collectivement. Nous comptons notamment sur les agences de l’eau et les chambres d’agriculture pour le faire comprendre aux producteurs. Les mesures contractualisées sont aujourd’hui trop diffuses, trop individualisées. En revanche, les actions adoptées au sein des Sdage l’ont été de façon collective, par consensus. Reste maintenant à mettre en place ces actions. Les mesures agro-environnementales (MAE) et le Plan végétal pour l’environnement, outils qui accompagnent les Sdage, ont été instaurés pour aider les agriculteurs. Or les agences de l’eau déplorent des crédits non-utilisés.

C & E : La profession agricole souhaite concilier la réduction des pesticides et fertilisants et l’équilibre économique des exploitations, mais regrette le manque de mesures adaptées et financées dans la durée. Est-ce justifié et quelles réponses le gouvernement peut-il apporter ?

O. G. : Nous sommes conscients que les mesures ne sont pas toutes adaptées mais nous avons fait au mieux, dans le cadre fixé par l’Europe. Le contenu et la rémunération des MAE ont été revus l’an passé avec Bruxelles, avec notamment la mise en place de mesures territorialisées. Nous ne pouvons aller plus loin avec cette Politique agricole commune (Pac) et ce Programme de développement rural hexagonal (PDRH). Seules de petites modifications peuvent désormais être apportées.

C & E : Cela sous-entend-il que la future Pac 2014 présentera des mesures plus rémunératrices pour les agriculteurs ?

O. G. : Rien n’est fait, mais nous nous battons dans ce sens. Nous plaidons notamment pour un contenu et un financement plus larges des mesures et pour une rémunération des services écologiques rendus par les agriculteurs. Mais aujourd’hui, les agriculteurs doivent faire avec les mesures qui leur sont proposées. La grande majorité d’entre elles sont adaptées et il est toujours préférable de s’engager volontairement. Mais si les résultats tardent, nous serons obligés de mobiliser un dispositif réglementaire (« zones soumises à contraintes environnementales ») qui rendra les mesures obligatoires.

Le ministère de l’Ecologie est conscient que le changement de modèle agricole demande ue à deux génération, selon Odile Gauthier, “Mais dans le domaine de l’eau, il y a urgence. Une meilleure maîtrise des intrants s’impose.” (Photo : F.O.)

C & E : Quels sont, selon vous, les freins rencontrés pour la reconquête de la qualité de l’eau et comment les supprimer ?

O. G. : Nous sommes tout à fait conscients, au ministère de l’Écologie, que changer de modèle agricole exige une à deux générations. Mais dans le domaine de l’eau, il y a urgence. Il faut convaincre les agriculteurs qu’il n’y a pas d’autre choix que d’aller vers une meilleure maîtrise des intrants. Nous misons donc sur l’accompagnement technique, financier et politique. Nous travaillons notamment avec les lycées agricoles. Nous attendons également beaucoup d’Écophyto 2018 (2), de ses fermes de démonstration et d’expérimentation, et du Certiphyto, ce certificat qui permet de s’assurer que les utilisateurs, distributeurs et conseillers en produits phytopharmaceutiques ont les connaissances adéquates et, le cas échéant, accès à une formation adaptée à leurs besoins. On s’aperçoit que le virage est pris par de plus en plus d’agriculteurs.

C & E : Quels moyens les ministères en charge de l’Agriculture et de l’Écologie ont-ils mis en œuvre pour travailler de concert sur ce thème de la reconquête de la qualité de l’eau ?

O. G. : Les deux ministères travaillent ensemble. Des divergences émergent parfois sur les modalités de mise en œuvre des actions et, surtout, sur le rythme d’avancement, mais nous sommes d’accord sur les objectifs à atteindre, ce qui est essentiel. Tous les textes sont menés en commun avec, selon les sujets, un ministère leader et l’autre accompagnateur. Les services déconcentrés du ministère en charge de l’Agriculture sont par ailleurs associés aux travaux des services déconcentrés du ministère en charge de l’Écologie et des agences de l’eau.

Propos recueillis par Gaëlle Gaudin

(1) Le « bon état écologique » désigne un état qui permette une vie animale et végétale riche et variée, exempte de produits toxiques. L’eau doit aussi être disponible en quantités suffisantes pour satisfaire tous les usages.
(2) Le plan Ecophyto 2018 prévoit la division par deux de l’usage des pesticides d’ici à 2018.

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