L’agroécologie est multiforme et s’appuie sur une pléiade d’acteurs

16 janvier 2013 - La rédaction 

Le ministre de l'Agriculture souhaite développer de nouveaux modèles agricoles dans le cadre de dynamiques collectives territoriales. Une initiative jugée originale et pertinente par Frédéric Goulet, sociologue au Cirad* de Montpellier.
 

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“On assiste à un éclatement du modèle dominant. Il n'y a plus une seule bonne agriculture, tant sur le plan technique qu'au niveau institutionnel.

Quel regard portez-vous sur les orientations fixées par le ministre de l'Agriculture ?
Stéphane Le Foll cherche à capitaliser l'expérience du terrain. C'est une reconnaissance que l'innovation peut venir à la fois du haut, de la recherche fondamentale, mais aussi du bas, des initiatives des agriculteurs eux-mêmes. Il apparaît clairement que, pour le ministre, il n'y a pas que le bio comme alternative possible pour orienter l'agriculture vers une meilleure prise en compte de l'écologie. Le ministre semble vouloir être exhaustif et valoriser les différents courants alternatifs : agriculture écologiquement intensive, techniques sans labour, agroforesterie…  C'est nouveau et intéressant. Cela peut donner l'opportunité de valoriser les milieux militants actifs sur le terrain ainsi que les chercheurs, jugés parfois un peu marginaux, qui les accompagnent.

Les agriculteurs peuvent-ils innover seul ?
Tout le monde a sa place dans l'innovation : de l'agriculteur jusqu'au scientifique, en passant par les firmes privées. Il ne faut pas occulter ni diaboliser le fait que la recherche privée accompagne aussi les agriculteurs, même si parfois des enjeux commerciaux touchant à des produits controversés comme les pesticides sont au cœur de la démarche. Les agriculteurs peuvent être novateurs et leur rôle est essentiel. Mais ils ne peuvent pas l'être tout seul. Il existe sur le terrain un maillage d'acteurs privés très créatifs dans le domaine du matériel agricole ou des engrais par exemple.
Pour généraliser ces pratiques écologiques, il faut bien voir que la notion de groupe a évolué. Certes, il y a les groupes de développement locaux traditionnels, avec les Geda*, les Ceta* ou les Civam*mais le groupe n'est plus seulement local. Les agriculteurs se retrouvent via des forums ou des associations spécialisées dans toute la France en fonction de pratiques techniques, de valeurs ou de positionnements politiques communs, ou pour partager une passion.

Les initiatives et les acteurs sont nombreux…
L'agriculture est comme le reste de la société. On assiste à un éclatement du modèle dominant. Il n'y a plus une seule bonne agriculture, tant sur le plan technique qu'au niveau institutionnel. Les pouvoirs publics cherchent de fait à recenser, à mettre en regard toutes les initiatives écologiquement intensives et à réfléchir aux leviers permettant de les généraliser. Malgré cette dispersion d'actions et d'organismes, des recoupements existent. Et ils peuvent être énormes, tant sur les pratiques techniques développées que sur les discours tenus. C'est le cas par exemple entre le Rad*, les agriculteurs biologiques en général, et Base*.

Dans cette évolution, comment la recherche peut-elle se positionner ?
Les institutions travaillent à trouver des formes concrètes d'articulation entre la recherche agronomique et le monde agricole, entre le scientifique et l'homme de terrain. Ceci n'est pas aisé car la recherche est extrêmement évaluée, notamment par le nombre de publications scientifiques. Or celles-ci s'appuient sur des récurrences, des connaissances génériques, beaucoup plus que sur des mesures en plein champ. Et ce alors qu'il est couramment admis que certaines pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement, moins technicisées, requièrent des connaissances plus localisées. L'orientation institutionnelle et politique de la recherche devra permettre d'imaginer de nouvelles interfaces pour encourager une recherche pour le développement. Mais l'on peut se poser la question de savoir ce qu'est une « bonne » science. Celle qui brille sur les scènes académiques ou celle qui permet d'avancer sur le terrain ? 

* Cirad : Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement
Geda : Groupe d'études et de développement agricole
Ceta : Centre d'études techniques agricoles
Civam : Centre d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural
Rad : Réseau d'agriculture durable
Base : Biodiversité, agriculture, sol et environnement

Pour aller plus loin :
– « Agroécologie en Argentine et en France. Regards croisés » de Nathalie Girard, Frédéric Goulet, Valeria Hernandez et  Danièle Magda (Ed. L’Harmattan, collection Sociologies et Environnement, janvier 2013)
– Accès à différentes publications de Frédéric Goulet.

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