Une multiplicité de voies d’avenir en agriculture

29 janvier 2013 - La rédaction 

Pierre Lenormand, responsable du dossier agriculture au MNLE, Mouvement national de lutte pour l'environnement, développe son analyse pour un autre développement écologique et social en agriculture.
 

 class=

En matière agricole, quels axes forts soutenez-vous ?
Depuis des années, le MNLE milite pour sortir du modèle productiviste, caractérisé par la recherche de la productivité maximum de la terre et du travail : sur le plan technique, il pousse à un quintuple forçage à la fois énergétique, biotechnologique, hydraulique, mécanique et chimique, très coûteux pour l'environnement. Très gourmand en capital, il conduit sur le plan économique et social à la mise en compétition des exploitants et des territoires entre eux, à la concentration des exploitations et à l'élimination de nombreux producteurs, au moment où une agriculture soutenable devrait recourir à plus de travail humain. Les agriculteurs sont désormais de plus en plus conduits à repenser leurs systèmes de production. Et rien ne se fera sans eux. En promouvant des agricultures durables,  écologiquement intensives, le MNLE veut souligner qu'il n'existe pas un modèle technique idéal, mais des voies diverses pour sortir du modèle actuellement dominant : plusieurs modèles alternatifs répondent d'ores et déjà à cet objectif, et diverses pratiques agronomiques, anciennes et à venir, peuvent y contribuer. Si l'on veut que le changement aille au-delà d'une minorité ou de quelques niches « vertueuses », il faut laisser grande ouverte la porte des possibles : c'est pourquoi le MNLE refuse de s'enrôler sous quelque bannière que ce soit. 

Rien ne se fera non plus sans déverrouiller l'actuel système, sans une politique agricole entièrement nouvelle : qui garantisse d'abord des prix rémunérateurs, correspondant aux coûts de production,  qui se conforme à l'objectif de souveraineté alimentaire, qui ouvre de manière nouvelle l'accès du foncier aux candidats au travail de la terre, et qui élabore de nouveaux critères de performance et de compétitivité. Ambition qui ne pourra se réaliser sans resserrer les liens entre les agriculteurs et la société tout entière.

Considérez-vous que la politique autour de l'agro-écologie portée par Stéphane Le Foll va dans le bon sens ?
Le terme peut, suivant les interlocuteurs, désigner un champ scientifique, un ensemble de pratiques agronomiques, voire un mouvement à objectif social et politique, avec toutes les confusions qui peuvent en découler : c'est ennuyeux pour un terme qui se propose d'être le concept rassembleur, unificateur des transformations attendues. Le ministre se propose en effet de « faire de la France le leader de l'agro-écologie ». Quel contenu lui donner ? Le 18 décembre, celui-ci aurait déclaré qu'il s'agissait de « créer une dynamique, quelque chose qui dépasse le débat sempiternel entre productivisme et écologie, une « voie intermédiaire » donc, qui ne répondrait pas vraiment  aux principes de l'écologie appliquée à l'agriculture et ne romprait pas non plus vraiment avec le productivisme : nous ne saurions y souscrire. Stéphane Le Foll aurait aussi déclaré vouloir « faire émerger en France une agriculture économiquement et écologiquement performante ». Sous réserve d'une redéfinition complète des critères de performance (technique et économique mais aussi, à notre sens, sociale) l'objectif nous paraît plus propre à nourrir la réflexion collective. Mais à l'heure d'un pâle « verdissement » de la Pac, nous attendons du ministre qu'il nous en dise plus sur sa politique.
Nous défendons le principe de l'intensification écologique, parce qu'il nous paraît tenir les deux bouts indissociables de la « révolution agricole » à venir. Nous voyons aussi comment l'expression, désormais reprise par beaucoup, réduite parfois à un recueil de préceptes – utiles sans doute mais à eux seuls insuffisants – pouvait être altérée, voire dénaturée : la question de son contenu est une bataille qu'il faut continuer à mener. Si nous reconnaissons la multiplicité des voies et la nécessité des étapes, c'est à la condition de garder en tête l'objectif du changement de paradigme qui aujourd'hui s'impose. Toute tentative de récupération qui l'oublierait n'aurait pas alors notre soutien.
 

Pour aller plus loin :
Le MNLE, Réseau Homme et Nature, se veut un lieu de rencontre de réflexion et d'action, afin de prendre en compte l'environnement dans son ensemble. Cette association se dit convaincue que « les progrès, les avancées des sciences et techniques peuvent et doivent permettre de donner à l'homme les moyens de s'épanouir dans un environnement qu'il maîtrise ». www.mnle.fr
 

Laisser un commentaire

Recevoir la newsletter

Restez informé en vous abonnant gratuitement à la newsletter