Interactions complexes entre sciences et société

12 décembre 2013 - La rédaction 

Christian Lévêque préside l'Académie d'agriculture de France, qui aujourd'hui évolue afin de développer son rôle de transfert des connaissances scientifiques auprès, notamment, du grand public. Par ailleurs directeur de recherche émérite de l'Institut de recherche pour le développement, Christian Lévêque estime qu'une idéologie écologique dominante exerce aujourd'hui une pression sur les experts et la recherche.

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Comment évolue l'Académie d'agriculture de France que vous présidez ?
Au sein de l'Académie d'agriculture, nous souhaitons décloisonner les approches thématiques, sectorielles. Ainsi, nous abandonnons une approche filière pour avoir une approche plus globalisée, multidisciplinaire.
L'Académie évolue et veut jouer pleinement son rôle de transfert des connaissances entre scientifiques, monde agricole et grand public. La réorganisation, en cours, vise à rendre moins confidentielle la réflexion conduite par notre académie. Pour cela, nous développons les outils nécessaires : refonte du site Internet, diffusion en direct ou en différé des séances hebdomadaires, lancement d'une revue trimestrielle et d'une lettre d'information électronique…

Quelles sont les thématiques principales actuellement travaillées au sein de l'Académie ?
L'Académie conduit des réflexions dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation et de l'environnement. Elles font l'objet de conférences hebdomadaires, chaque mercredi après-midi, ouvertes à tous. Actuellement, nos travaux portent sur quatre thématiques principales : produire mieux et plus pour nourrir les hommes ; adapter la gestion des écosystèmes agricoles et forestiers aux changements globaux ; intégrer les politiques agricoles, environnementales et territoriales ; contribuer au débat sur les innovations et l'acceptabilité sociale.

Dernièrement à partir des travaux menés par des groupes de l'Académie d'agriculture, ont été publiés notamment un livre sur l'agriculture biologique(1) et un rapport sur l'eau et l'agriculture*. Bientôt sera édité, en collaboration avec l'académie des sciences et des technologies, un ouvrage sur les PGM, les plantes génétiquement modifiées.

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Un nouveau logo, de nouveaux statuts, l'Académie d'agriculture de France se réorganise afin d'être plus visible et que son approche soit plus systémique.

On assiste aujourd'hui à une remise en cause de l'indépendance des experts scientifiques, qu'en pensez-vous ?
Il faut avant tout bien différencier les experts des scientifiques. Le scientifique n'a aucune certitude, il doit se remettre en question en permanence. Il teste ses hypothèses et théories pour aboutir à un résultat de réflexion qui n'est jamais définitif. En revanche, l'expert est plus engagé car il doit apporter un avis pour éclairer une décision.

On accuse les scientifiques d'être à la solde des intérêts industriels. Rappelons que les programmes de recherche européens exigent des scientifiques qu'ils fassent appel aux entreprises privées pour financer leurs travaux. Mais ces sources de financement n'impliquent aucune exigence par rapport aux résultats qui sont attendus et la plupart des scientifiques ont aussi une déontologie.

On assiste aujourd'hui à une instrumentalisation des experts par une idéologie écologique conduite par des organismes de conservation de la nature. Ces mouvements militants sont fortement présents dans les comités d'experts, alors que les citoyens n'y sont que peu représentés.  Cette pression idéologique développe ainsi notamment l'idée que la biodiversité est en voie d'érosion du fait des activités humaines. Or les choses ne sont pas si simples et caricaturales que cela. En Europe, et en France en particulier, la diversité biologique a été construite par l'homme au cours des siècles d'aménagement du territoire. Par conséquent, en termes de biodiversité, il faut s'interroger sur la manière de concevoir la nature avec l'homme et non pas l'homme contre la nature. Un travail inter-académique, entre l'Académie d'agriculture et celle des technologies, est actuellement conduit sur la biodiversité et l'aménagement du territoire.
 

Aller plus loin :
-Pour visionner en direct ou en différé les séances de l'Académie d'agriculture.
-Pour accéder aux différentes publications.
-A lire : « L'écologie est-elle encore scientifique ? » de Christian Lévêque (Ed. Quae, 2013)

Propos recueillis par Damien raison

(1) « Le tout bio est-il possible ? 90 clés pour comprendre l'agriculture biologique » (sous la coordination de Bernard Le Buanec, Ed. Quae, 2012)
« Eau et agriculture : Débats et perspectives » (rapport du Groupe Eau, Académie d'agriculture, 2013)

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