Mieux intégrer les vétérinaires dans la filière apicole

25 février 2014 - La rédaction 

Nicolas Vidal-Naquet est docteur vétérinaire, diplômé en apiculture et pathologie apicole, et membre de la commission apicole des groupements techniques vétérinaires. Il a créé le blog www.apivet.eu. Pour Campagnes et Environnement, il revient sur la question du rôle des vétérinaires dans la lutte contre la surmortalité des abeilles domestiques.

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Comment les apiculteurs peuvent-ils, à leur niveau, essayer d'enrayer la disparition des colonies ?
Depuis une quinzaine d'années, on constate une augmentation de la mortalité des abeilles. Tout le monde s'accorde sur le fait que les causes sont « multifactorielles » et variables selon les cas. Dans cette situation, le rôle des apiculteurs et leur capacité d'adaptation à ces nouvelles conditions d'élevage – diminution de la diversité des ressources alimentaires, raréfaction de l'eau, présence de nouveaux ravageurs… – sont importants. Les bonnes pratiques apicoles sont un élément fondamental : utiliser les bonnes techniques et pratiques sanitaires au bon moment, bien préparer ses colonies à l'hivernage et à la saison apicole… Une mauvaise gestion de l'infestation par Varroa destructor (acarien parasite des abeilles), par exemple, va avoir des conséquences directes sur la force des colonies.

Quel est le rôle du vétérinaire face à cette situation ?
Alors que tous les éleveurs ont un vétérinaire sanitaire, ce n'est pas malheureusement pas encore le cas en apiculture. Il est vrai que les apiculteurs ont beaucoup de connaissances techniques et précises à propos de la biologie de l'abeille et de leurs maladies. En tant que professionnel de la santé animal, nous sommes en mesure d'établir un diagnostic, d'effectuer un audit sanitaire et d'en tirer des conclusions. L'objectif est notamment de permettre aux apiculteurs d'avoir une vue d'ensemble de l'état sanitaire et de la conduite de leurs ruchers. Pour moi, l'important c'est de faire venir le vétérinaire avant qu'il y ait des problèmes afin d'identifier les points sur lesquels l'apiculteur devra être vigilant. Le vétérinaire peut l'aider à adapter ses techniques et pratiques de manière optimale. Nous n'allons pas sauver l'apiculture mais nous pouvons lui apporter nos compétences de professionnels de la santé animale, afin de l'accompagner dans la diminution de la surmortalité des abeilles.

Les vétérinaires sont-ils bien acceptés par les apiculteurs ?
Notre rôle de professionnel de la santé de l'abeille semble de mieux en mieux reconnu et accepté par la filière. Un diplôme en apiculture-pathologie apicole*, créé à la demande de la filière apicole, existe depuis 2005 et nous sommes à peu près 120 à 130 vétérinaires en France à bien connaitre l'abeille : il y a donc une écoute et une aide possible pour un apiculteur. Mais il existe encore des réticences, c'est probablement une question de coût, mais aussi de place dans la filière. Il est vrai que, historiquement, les vétérinaires ne se sont pas intéressés à l'abeille et que les apiculteurs se sont débrouillés seuls. Je comprends leurs réticences, mais aujourd'hui, nous pouvons les aider et nous devons avoir une place dans la filière apicole, à l'instar de ce qui se passe dans les autres filières animales.

Le plan de développement durable pour l'apiculture prévoit d'encourager la mise au point de nouveaux médicaments vétérinaires pour les abeilles. Qu'en pensez-vous ?
Il faut d'abord rappeler aux apiculteurs qu'il existe cinq médicaments autorisés en France, utilisés dans la lutte contre le parasite Varroa. Au regard de la loi, ce sont ces cinq produits, et uniquement eux, qui doivent être utilisés… et pas d'autres produits, médicamenteux ou non. Je ne pense pas qu'à l'heure actuelle, nous ayons besoin en France d'autres familles de médicaments comme les antibiotiques ou antifongiques. La lutte contre les maladies bactériennes ou microsporidiennes doit se faire grâce aux pratiques apicoles et passer avant tout par la prophylaxie. Aux États-Unis, beaucoup d'apiculteurs utilisent massivement des antibiotiques et antifongiques. Ils rencontrent à présent des problèmes d'antibio-résistance les obligeant à administrer d'autres classes d'antibiotiques… L'intensification de l'apiculture américaine place à présent les apiculteurs dans un véritable cercle vicieux. Évitons absolument d'en arriver là !

* Diplôme inter-Ecoles Apiculture-Pathologie apicole (ONIRIS-Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort)
 

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