Pour cette neuvième conférence des
Mercredis du Pavillon France, Jean-François Baroiller met en lumière les défis auxquels est confrontée l
'aquaculture aujourd'hui. Si la pisciculture représente uniquement 2% des produits alimentaires consommés, elle reste l'une des plus intéressantes d'un point de vue environnemental. Les surfaces mobilisées, les quantités d'eaux et d'intrants requis ainsi que les rejets d'azote et de phosphore y sont bien plus faibles que dans les élevages de porcs ou de bœufs.
L'aquaculture a toutefois un problème d'image en France. Seulement 12 % du poisson consommé sur le territoire provient des activités piscicoles. La pêche de son côté arrive à saturation depuis les années 80, même si des mesures ont été prises pour protéger les stocks de poissons en danger.
Des consommateurs exigeants
En matière de poisson, les consommateurs sont de plus en plus exigeants, notamment concernant la fraîcheur des aliments. L'aquaculture française a mis en place des normes qui garantissent un maximum de 72 heures entre la pêche et la mise sur l'étal. On assiste également à une importante labellisation des poissons d'aquaculture permettant une bonne traçabilité des produits.
Beaucoup de consommateurs s'inquiètent également des particules polluantes se trouvant dans l'eau et qu'on pourrait retrouver dans les aliments. Là encore, la
pisciculture assure une protection, de nombreux contrôles étant effectués par les services vétérinaires avant l'installation et durant le cycle d'exploitation.
Farines de poissons et antibiotiques
Si l'aquaculture offre une alternative à la pêche, elle est toutefois très consommatrices de
farines et huiles de poissons. Pour produire un saumon d'élevage, il est nécessaire de pêcher 2,5 kg de poisson dans le milieu naturel. D'importantes doses d'antibiotiques sont par ailleurs utilisées dans les élevages afin de prévenir les maladies. Cela entraîne des phénomènes d'
antibiorésistance pour les bactéries proches des zones piscicoles, ce qui représente un réel danger pour les populations humaines. Ainsi, si l'aquaculture offre des avantages certains en terme de traçabilité et de qualité des produits, il reste à trouver des solutions pour limiter l'utilisation de farines de poissons et d'antibiotiques dans ces élevages.
Recréer des écosystèmes naturels
Des études chez la truite montrent qu'une utilisation de farine végétale pour son élevage est possible, sans impacter pour autant la qualité des poissons. En revanche, leur vitesse de croissance est ralentie, entraînant un temps plus long dans l'élevage et un prix plus élevé sur l'étal. Malgré cela, entre 1990 et 2013, on est passés de 10 à 70% de part de produits végétaux pour l'alimentation des poissons.
Des solutions innovantes sont aussi à trouver pour les systèmes de cultures. Sachant que 70% des aliments prodigués aux poissons d'aquaculture sont gâchés, des techniques associant d'autres productions à l'élevage de poissons se développent. Des techniques dites multi-trophiques cultivent à la fois des mollusques (huîtres, moules, oursins…), qui récupèrent la fraction organique des aliments non ingérés par les poissons, et des algues, qui en utiliseront la fraction minérale, associés des poissons herbivores et carnivores.
Aquaponie et poissons certifiés multi-trophiques
Au Canada, où cette technique est pratiquée, les consommateurs sont prêts à payer plus cher des poissons certifiés multi-trophiques. Le producteur de son côté diversifie sa production et peut accepter de perdre un peu d'argent sur la culture de poisson s'il en gagne sur celles de mollusques et d'algues. Une autre pratique qui explose ces dernières années est l'
aquaponie. Le principe consiste à faire re-circuler l'eau d'élevage des poissons, riche en azote et en phosphore, vers des plantes qui vont récupérer ces éléments pour leur développement et de ce fait purifier l'eau qui pourra ensuite retourner aux poissons.
Pour satisfaire la demande tout en réduisant l'impact environnemental des élevages de poissons, Jean-François Baroiller préconise toutefois de s'intéresser à toutes les formes de production. « Il ne faut pas se limiter aux poissons carnivores, qui sont très consommés dans les pays du Nord, mais aussi s'intéresser à ces problématiques dans les pays du Sud. »
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