Milan 2015 : OGM, pourquoi tant de débats ?

16 juillet 2015 - La rédaction 
Alors que beaucoup d'instituts scientifiques affirment que les OGM ne sont pas dangereux pour la santé et que les risques de dissémination dans l'environnement sont contrôlés, d'autres affirment que les études prouvant la non dangerosité des OGM sont encore trop peu nombreuses, et pointent du doigt la perte de diversité agricole liée à ce type de technologies. Eclairage sur les controverses liées aux OGM et sur la position de la science dans ce débat.

Pourquoi tant de débats autour des OGM ? Marion Guillou, présidente de l'Institut agronomique vétérinaire et forestier de France, apporte des éléments de réponse à l'occasion de la quinzième conférence des Mercredis du Pavillon France, à Milan.

La définition réglementaire des OGM a été adoptée par l'Europe en 2011. Les OGM y sont décrits comme des organismes obtenus par des techniques de modification du génome donnant des résultats qui n'aurait pas pu se produire dans la nature. Les OGM diffèrent donc de la sélection, qui est orientée par l'homme mais produit des résultats « naturels ».

Des applications variées

Le premier objectif des organismes génétiquement modifiés était de créer des plantes résistant aux herbicides ou aux insectes. Les avancées technologiques permettent toutefois de répondre à des objectifs plus variés. Il est possible aujourd'hui de produire des plantes avec des avantages nutritionnels ou mieux adaptées au changement climatique.

Aux Etats-Unis par exemple, les surfaces de maïs résistants à la sécheresse se sont multipliées par cinq au cours des dernières années. Dans les pays du Sud, le riz doré, qui contient de la pro-vitamine A directement disponible pour l'organisme et permet de prévenir les maladies oculaires, se développe. Les OGM trouvent aussi leur application dans l'élevage. Par exemple, le maïs qui synthétise des caroténoïdes renforçant le système immunitaire des volailles.

Une acceptabilité contrastée à travers la monde et suivant l'utilisation des OGM

Les superficies d'OGM plantées sont en constante augmentation depuis la fin des années 1990, atteignant les 180 millions d'hectares aujourd'hui. Au total, seulement 28 pays, industrialisés et en développement, autorisent la plantation de cultures génétiquement modifiées. Cela traduit une acceptabilité contrastée des OGM à travers le monde. Ceux-ci sont plus acceptés quand il ne s'agit pas cultures alimentaires, comme les cotons OGM résistant aux parasites qui sont cultivés en Inde. En Chine, où les mêmes cotons sont autorisés, le riz OGM a été interdit en 2014. Essentiellement pour des raisons politiques, en raison d'une faible acceptabilité sociale.


 

Des conceptions nature-agriculture différentes
La différence de perception des OGM entre l'Europe et les Etats-Unis peut s'expliquer, selon Marion Guillou, par des conceptions différentes de la nature et de l'espace. Aux Etats-Unis, les exploitations agricoles sont considérées comme des « industry », des espaces artificiels exploités par l'homme à des fins de production. Le pays possède tellement d'espaces naturels « libres » par ailleurs, que la société n'a pas la même attente vis-à-vis de la protection de la nature par les agriculteurs. En Europe, les espaces sont plus restreints. En France par exemple, les parcs naturels comptent presque toujours des espaces cultivés. On attend des agriculteurs qu'ils soient à la fois producteurs et protecteurs de la nature. Cette différence de représentation du lien entre nature et agriculture peut expliquer la différence d'acceptation sociale des OGM.

L'Europe encore divisée sur la question

En Europe, la question des OGM divise. Si 43% des habitants du Royaume-Uni sont favorables aux produits alimentaires contenant des OGM, seulement 10% des Grecs et 16% des Français le sont. Ces différences d'opinions sont essentiellement dues à des circonstances politiques et sociales locales.

Le Conseil de l'Europe a adopté en mars 2015 une directive permettant la renationalisation des autorisations de plantation d'OGM. Pour Marion Guillou, « cet accord est totalement contradictoire avec les fondements de l'UE et vient constater l'impossibilité des Etats de s'entendre sur le dossier. » D'un côté l'Espagne, la Roumanie et le Portugal cultivent des OGM et ne veulent pas se plier au « diktat » d'autre pays. De l'autre, des pays comme la France présentent une opposition citoyenne telle que la culture en plein champ d'OGM n'est pas prête d'être autorisée par les politiques.  

Une technologie indispensable pour répondre aux catastrophes de demain

Avec les méthodes classiques, mettre au point une nouvelle variété prend 7 à 8 ans. Pour Marion Guillou, il est indispensable que les scientifiques conservent les compétences associées aux OGM. « Il est imprudent de dire que nous n'aurons jamais besoin des OGM, ce sont des méthodes rapides et performantes de sélection végétale qui permettront de faire face à d'éventuelles crises sanitaires. »  Même si, pour la chercheuse, il faut également préparer les alternatives ne passant pas par les OGM et assez efficaces pour nourrir les habitants tout en respectant l'environnement.
 
En conclusion, Marion Guillou affirme qu'« être contre les OGM est une position de société qui n'est pas envisageable pour le chercheur. » Selon elle, « il est gênant que la France reste aveugle à ces technologies utilisées ailleurs dans le monde. » 

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