Verra-t-on un jour des animaux clonés dans nos assiettes ? Pour la 17e conférence des Mercredis du Pavillon France, Dominique Vermersch, chercheur à l'Institut national agronomique, nous apporte des éléments de réponses.
Le clonage animal fait débat dans le monde. En 2008, aux Etats-Unis, la Food and drug administration autorise la mise sur le marché et la consommation d'animaux clonés, les jugeant peu susceptibles d'avoir un impact sur la santé humaine. Le 18 juin 2014, le parlement européen a, de son côté, interdit sur tout le territoire les animaux clonés, leurs descendances et les produits issus de ces animaux. Des rapports français et européens pointent du doigt les problèmes de santé et de bien-être des animaux clonés.
Une technique « révolutionnaire »
Pour Dominique Vermersch, le clonage animal est avant tout « une prouesse technique extraordinaire. » Avant le clonage très médiatisé de la brebis Dolly en 1997, des essais sur d'autres organismes avaient déjà été concluants. Pour y parvenir, les scientifiques prélèvent un ovule duquel le noyau, contenant le matériel génétique, est extrait. Il est ensuite remplacé par l'ADN d'un autre individu, le donneur, dont on veut reproduire les caractéristiques génétiques. Le nouvel œuf ainsi formé est alors implanté dans l'utérus d'une femelle. Il va se diviser et entamer son développement jusqu'à obtenir un nouvel individu avec exactement les mêmes caractéristiques génétiques que le donneur.
S'affranchir de la variabilité liée à la reproduction sexuée
La reproduction sexuée, en « mélangeant » l'ADN des deux parents, introduit de la diversité génétique. On ne peut donc pas « contrôler » les caractéristiques de la descendance. Le clonage permet de s'affranchir de cette variabilité, en choisissant l'intégralité du matériel génétique que l'on va utiliser pour produire un nouvel organisme. 18 ans après Dolly, si la technique fonctionne, le taux de réussite reste faible. Il est de 11% en moyenne.
Une possible introduction sur le marché européen
Aujourd'hui, on clone essentiellement des taureaux reproducteurs dont les caractéristiques génétiques sont particulièrement intéressantes. Selon Dominique Vermersch, il n'est pas impossible qu'en Europe, les consommateurs aient déjà consommé de la viande ou du lait issus de la descendance de ces taureaux clonés. Certains élevages suisses, voire même français, ont en effet utilisé du sperme issus de taureaux clonés pour inséminer leurs vaches.
Pas de véritables enjeux économiques
Selon Jean-Claude Guesdon, chef du département économie à l'Institut de l'élevage, la consommation de produits issus d'animaux clonés ne repose sur aucun réel besoin de substitution. La production classique de lait et de viande suffit à couvrir l'approvisionnement mondial et permettra, selon lui, d'assurer les besoins futurs. Si le clonage trouve un réel intérêt dans la reproduction de races élites, il ne répond en aucun cas à un besoin d'accroissement de la productivité.
Un enjeu éthique
Le bien-être animal a été la porte d'entrée des questionnements éthiques sur le clonage. Une forte mortalité a en effet été observée chez les animaux clonés. Les chercheurs ont toutefois du mal à évaluer le retentissement économique de ce constat. Plusieurs études ont montré que les consommateurs n'accordaient que peu de valeur au bien-être animal. S'ils préfèrent acheter des œufs issus de poules élevées en plein air, c'est plus pour des raisons de goût et de qualité des œufs que pour des raisons de bien-être animal. En Europe, le clonage reste toutefois peu accepté par le grand public. Pour Dominique Vermersch, ce verrou éthique repose plutôt sur la peur, infondée, de voir de telles techniques appliquées à l'espèce humaine.
En conclusion, Dominique Vermersch affirme que la consommation de produits animaux issus des techniques de clonage ne doit pas être autorisée aujourd'hui. Si selon lui les risques sanitaires sont faibles et maîtrisés, les questions éthiques demeurent importante et nécessitent de mobiliser des savoirs très différents. Il insiste sur le fait que ce questionnement éthique ne doit en aucun cas être substitué par un raisonnement économique, qui privilégierait une vision à court terme et basée sur le profit plutôt qu'une réelle vision des enjeux sociétaux du clonage.