Milan 2015 : Bon à manger, bon à penser ?

23 juillet 2015 - La rédaction 
Comment l'image que nous nous faisons des aliments, selon nos croyances ou nos goûts, influence-t-elle notre consommation ? Un aliment doit-il être d'abord bon à penser, avant d'être bon à manger, comme l'avançait Claude Lévi-Strauss ? Depuis l'exposition universelle de Milan, Jean-Pierre Corbeau apporte des éléments de réponses.

Le mangeur est avant tout soumis à ses sens. Les odeurs et les goûts réveillent en nous des besoins biologiques. Mais dans nos sociétés humaines, l'aliment est porteur d'une symbolique. Il s'inscrit dans une représentation sociale nous poussant à le consommer ou non selon nos croyances religieuses, notre culture ou certaines considérations éthiques. Pour la 16e conférence depuis l'exposition universelle de Milan, Jean-Pierre Corbeau, professeur de sociologie à l'université François Rabelais de Tour, donne ses éclairages sur les aspects sociaux de l'alimentation.

Changer notre rapport réflexif aux aliments

L'être humain construit un rapport réflexif face à un aliment mis en scène, dans une assiette ou sur une table dressé. Ce rapport peut être négatif avec des réflexions comme « cela va-t-il m'empoisonner ? », « cet aliment contient-il des OGM ? », « est-ce de la viande de cheval ou de bœuf ? » etc. Dans ces situations, la probabilité d'avoir du plaisir en mangeant n'existe pas. Pour Jean-Pierre Corbeau, il faut avant tout se penser en train de manger et en tirer du plaisir en mobilisant les aspects sensoriels de l'aliment. Cela amène plutôt des réflexions du type « quel goût cet aliment va-t-il avoir ? », « quelle texture vais-je retrouver en bouche ? » Pour le professeur, ces réflexions apportent un équilibre à la fois psychique et nutritionnel de l'alimentation.  

L'importance de la mise en scène du repas pour les français

La mise en scène du repas reste importante pour les français. Une étude menée par Jean-Pierre Corbeau auprès des jeunes et des adolescents français montrent que ceux-ci ne mangent pas de hamburger ou de barre chocolatée n'importe quand ou n'importe comment. Contrairement aux populations nord américaines, qui ont pris l'habitude de manger à n'importe quelle heure, les français aiment manger à heure fixe et mettre en scène l'acte de manger. Et cela même lorsqu'il s'agit de « junk food » ou de repas simplifiés à l'extrême, comme les barres hypercaloriques qui constituent des substituts alimentaires.

 
Ne pas tomber dans la médicalisation
Dans son exposé, Jean-Pierre Corbeau nous met également en garde contre ce qu'il appelle la « médicalisation de l'alimentation », qui consiste à réduire l'aliment à sa seule fonction nutritionnelle. Pour lui, manger est d'abord un acte social avant d'être un acte de santé. Aujourd'hui, beaucoup ont tendance à croire que l'alimentation est source de toutes les pathologies. Mais le professeur nous rappelle que, même s'il est important d'être conscient des risques d'une mauvaise alimentation, manger doit avant tout rester un plaisir.

Les trois répertoires de l'alimentation

Pour Jean-Pierre Corbeau, l'acte de manger s'inscrit inconsciemment dans trois répertoires :
  • Le répertoire du comestible : cet aliment est-il mangeable ? fait-il parti de ma culture, de ma religion ? Est-il certifié ?
  • Le répertoire du culinaire : Comment vais-je cuisiner cet aliment ? Dans quelle tradition familiale ou régionale ce plat cuisiné s'inscrit-il ?
  • Le répertoire gastronomique par lequel le consommateur théâtralise sa réussite sociale dans l'acte de manger. Par exemple, la sortie au fast food peut être considérée comme festive par certains, car exceptionnelle et donc gastronomique. 
Selon Jean-Pierre Corbeau, si on veut atteindre un équilibre psychique de l'alimentation, qui entraînera un équilibre nutritionnel, il est nécessaire que ces trois répertoires puissent être respectés. Le professeur affirme enfin qu'il est important d'éduquer les gens à manger en ayant connaissance des répertoires comestibles, culinaires et gastronomiques.

Générique réalisé par Alimentation Générale

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