Milan 2015 : l’accaparement des terres agricoles

30 juillet 2015 - La rédaction 
Les investissements étrangers dans des terres agricoles du Sud sont souvent pointés du doigt par les ONG et les communautés locales. Depuis Milan, François Collart-Dutilleul, professeur à la faculté de droit de Nantes, fait le point sur ce phénomène d'accaparement des terres, et donne des pistes de réflexions pour que ces investissements soit équitables.

Le pays qui achète le plus de terres à l'étranger est l'Arabie Saoudite, suivie de l'Inde, du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Quasiment tous les pays investissent à l'étranger. Même certains pays d'Afrique investissent dans d'autres pays africains. Il faut toutefois rester vigilant sur la transparence de ces derniers investissements. Les pays africains sont souvent des investisseurs indirects via des filiales ou des holdings de pays du Nord.

Les investissements, eux, sont surtout concentrés en Afrique et en Amérique latine. En Afrique, on investit essentiellement dans les territoires où il est possible d'irriguer. Cela explique le fort taux d'investissement au Mali dans la zone du fleuve du Niger.

Investissement ou accaparement ? 

Selon François Collart-Dutilleul, certains critères permettent de distinguer un accaparement d'un investissement. Si un pays étranger prend en compte les besoins des populations locales ou si le pays d'accueil cherche à assurer sa sécurité alimentaire, on est plutôt dans le cas d'investissements. Un profit équitable pour chacune des deux parties pourra être réalisé. La préservation de l'environnement ou la prise en compte des droits coutumiers sont d'autres critères qui permettent de différencier accaparements et investissements.  


 
Les trois piliers du développement durable
Pour qu'un investissement soit véritablement équitable, il faut que le contrat remplisse les conditions du développement durable. François Collart-Dutilleul nous illustre ce principe par un exemple d'investissement. Une société d'état a investit dans une zone sèche en Afrique afin de rendre 100 000 ha de terres irrigables. En contrepartie, l'état étranger a le droit de cultiver gratuitement ces 100 000 ha pendant 50 ans. L'utilisation de l'eau donne toutefois lieu à une redevance payée au pays d'accueil, et celui-ci peut toujours cultiver certaines zones de ce territoire.

L'investissement a permis d'amener l'eau sur des zones sèches afin de les rendre cultivables. Il a toutefois fallu prendre en compte les communautés villageoises qui vivaient sur ces zones sèches qui ont dû se déplacer. La société étrangère doit également veiller à ce que, 50 ans plus tard, la terre ne soit pas imbibée de produits chimiques. Le contrat d'investissement doit donc prendre en compte les trois problématiques du développement durable : environnementale, sociétale et économique. Ce n'est qu'en respectant ces trois piliers que l'on pourra, selon François Collart-Dutilleul, réaliser un investissement juste et équitable pour les deux parties.

La société civile a son mot à dire 

Pour le professeur de droit, « le travail des ONG et des communautés villageoises est, au plan mondial, tout à fait considérable. » Aujourd'hui, même si des acteurs non institutionnels comme des associations, n'ont pas directement la mainmise sur un contrat, plus personne ne peut réaliser d'investissement sans tenir compte des discours de la société civile sur ces questions. Le poids des associations, via les plaidoyers mais surtout le travail des bénévoles et des paysans, permet de faire passer un certain nombre de principes et d'idées relatifs au développement durable. « Cela constitue un rempart non-juridique à des opérations d'accaparement qui seraient massivement inéquitables », affirme François Collart-Dutilleul.

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