L'étude du comportement des animaux était encore assez confidentiel dans les années 80, et très lié à des aspects techniques plus que psychologiques : « On étudiait, par exemple, l'attitude sexuelle des animaux pour qu'ils se reproduisent bien », témoigne Isabelle Veissier. Si la thématique est montée crescendo à partir des années 1990, le tournant s'est effectué au début des années 2000, avec une prise de conscience assez large. Aujourd'hui, le Royaume-Uni est à la pointe de cette discipline, avec des travaux de recherche poussés. « La France n'est pas très loin », précise la chercheuse.
UE : une évaluation harmonisée et exhaustive du bien-être animal
Des associations ont donné une impulsion : en France le réseau Agri bien-être animal, initié en 1998 par l'Inra pour fédérer les acteurs de la recherche et du développement en la matière. Aujourd'hui, 200 parties prenantes y sont affiliées. Welfare quality est un projet européen qui a plus de 12 ans, lancé par la Commission européenne pour harmoniser les moyens d'évaluer le bien-être animal dans les exploitations. « Le but étant d'être exhaustif, rappelle Isabelle Veissier. Santé, ne pas avoir d'émotion négative, bonne alimentation… nous ne voulons oublier aucune dimension. » Y compris la possibilité d'exprimer ses comportements naturelles entre eux et avec l'environnement. Les axes ainsi déterminés forment le socle de la réglementation européenne en matière de bien-être animal.
Bien-être animal et productivité
Dans le cadre de l'exposition universelle, dont le thème est « nourrir la planète », la question est de savoir si cette ambition est compatible avec le respect du bien-être animal. La demande en produits animaux augmente sensiblement… L'intensification est une voie instinctivement tentante, mais avec ses limites. Par exemple, les volailles, quand elles sont trop condensées dans l'espace, développent des attitudes agressives comme le piquage : les poules vont s'attaquer entre elles pour déterminer la hiérarchie. Dans un élevage de 5000 animaux, cela représente une grande déperdition d'énergie et beaucoup de plaies… Donner de l'espace aux volailles va limiter les rencontres, et donc le phénomène de piquage, de 20 % à 4 % chez les femelles.
Autre exemple, le stress à l'abattage a un effet automatique sur la qualité des produits carnés issus de bétail. il s'exprime à travers une diminution de l'acide lactique dans l'organisme, ce qui a un effet dépréciatif sur la viande (sombre, sèche, dure…).
Dans cette vidéo, Isabelle Veissier raconte également les différentes manières dont les scientifiques ont réussi à jauger les émotions des animaux.
Photo et générique : Alimentation générale.